En première ligne face à l'inflation, les fabricants et fabricantes n'ont d'autre choix que de tenter, au mieux, de contenir la flambée des prix. « Auparavant, nous avions une équation avec peu d'inconnues. Et nous avions l'habitude de jongler avec », remarque France Moline, directrice de production chez Casterman. Depuis trois ans, l'augmentation de ce nombre d'inconnues rend l'équation délicate à résoudre. « Un grain de sable dans les rouages et tout part en cacahuète dans ce monde très interconnecté », résume France Moline. « L'année dernière, l'atterrissage a été un peu dur », reconnaît Mélanie Baligand, responsable technique pour Le Seuil/La Martinière. Face aux crises, avec le directeur technique et des achats Florent Roger, cette dernière a « essayé de contenir les prix en touchant à tous les postes : le carton, le grammage ou encore le façonnage et la gravure ». Mais pas seulement. En cette période d'incertitudes apparaissent aussi des devis ouverts : certains fournisseurs proposent un devis seulement après livraison, soulignent les deux fabricantes. Alors, Mélanie Baligand s'est par exemple retrouvée contrainte à « ouvrir le panel fournisseur pour mettre tout le monde en concurrence ».

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France Moline, directrice de production chez Casterman.- Photo DR

Inventivité et renouveau

Si la période actuelle est un casse-tête, France Moline et Mélanie Baligand en sont convaincues : des crises naissent la créativité et le renouveau. « Je ne vois pas la période inflationniste comme une période purement négative : des solutions innovantes arrivent sur le marché grâce à de nouveaux fournisseurs », pointe-t-elle. Loin du « mode panique », la directrice de production préfère dépenser « beaucoup d'énergie pour échanger avec ses partenaires, les éditeurs et les auteurs en amont des projets » pour penser une fabrication adéquate à un prix raisonnable. « La fabrication n'est plus un service passe-plat où nous transposons ce que souhaitent les éditeurs auprès des fournisseurs. Pour moi, il faut aller au-delà de ça et travailler tous ensemble main dans la main », poursuit-elle. Son avis est partagé par Mélanie Baligand qui a en charge la fabrication des titres aux rayons adulte et jeunesse au sein des deux maisons du groupe Média Participations. « Plus nous sommes impliqués en amont dans le processus, plus nous pouvons maîtriser les coûts », estime-t-elle, n'hésitant désormais plus à échanger avec un auteur ou une autrice jeunesse dès la naissance d'une idée.

Au-delà du travail collectif, il est aussi nécessaire de déterminer de nouveaux processus. « Ce qui importe maintenant, ce sont les frais fixes », relève France Moline. Et ceux-ci sont fortement liés à l'écologie du livre « de plus en plus présente au quotidien ». Globaliser le transport, envoyer moins d'épreuves, valider des jeux de bonnes feuilles sur photo ou encore diminuer le nombre d'allers-retours dans les approbations sont autant d'initiatives prônées par les deux fabricantes pour réduire les coûts ainsi que l'impact environnemental de la production.

Mais la créativité ne se limite pas à ces points. « Nous ne pouvons plus nous contenter de fioritures de fabrication, nous devons aussi essayer de réinventer l'objet livre et son design », avance Mélanie Baligand. Quelles que soient les initiatives et les pistes d'action, une chose est sûre : « Nous avons beaucoup appris de la période Covid, assure France Moline, et nous devons apprendre de cette période inflationniste car il existe toujours de nouvelles solutions à inventer ». C. L.

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