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Rarement une bibliothèque aura été aussi célébrée : deux très beaux livres, l'un chez Gallimard, l'autre édité par la bibliothèque elle-même, paraissent ce mois-ci sur Sainte-Geneviève, qui trône en face du Panthéon à Paris. Les deux sont signés Yves Peyré, maître des lieux (1). Il n'en est pas peu fier. "La rencontre entre un conservateur atypique comme moi et cette Sainte-Geneviève atypique elle aussi, ça donne ça », déclare-t-il, satisfait. "Nous sommes quand même là depuis les Mérovingiens, insiste-t-il, peu de bibliothèques peuvent revendiquer cette ancienneté. Je me suis dit : tu es un intellectuel, un écrivain et tu diriges cet établissement, tu te dois de lui consacrer au moins un livre."
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Au départ, seul le livre sur l'histoire de la bibliothèque devait être publié chez Gallimard. L'ouvrage, richement illustré comme tous les livres de la séduisante collection "Découvertes"/Gallimard, retrace l'histoire singulière de la bibliothèque, de la fondation de la basilique au VIe siècle à la refondation de l'abbaye du XVIIe avant de devenir ce "démocratique palais », comme l'écrit Yves Peyré, construit par Henri Labrouste en 1850. A travers cette longue histoire, on comprend comment cet établissement patrimonial d'exception (2 millions d'imprimés, 6 000 manuscrits), à la fois public et universitaire, est en constante recherche d'un équilibre entre la conservation d'un précieux patrimoine et l'ouverture la plus large au public.
Le deuxième livre s'est imposé tout seul : lorsqu'en 2007 et 2008 la façade du bâtiment a été restaurée, Yves Peyré n'a pu s'empêcher d'aller escalader les échafaudages. "L'occasion était trop belle : je suis monté pour examiner de plus près les sculptures et discuter avec les tailleurs de pierre, dit Yves Peyré. Je prenais des notes sur un calepin et j'ai demandé à mon ami photographe Michel Nguyen de venir faire des photos. » C'est ainsi qu'est née une exposition, puis un livre grand format à l'élégante couverture noire et glacée, illustré de superbes clichés de Michel Nguyen.
La bibliothèque Sainte-Geneviève reste aujourd'hui la plus largement ouverte du quartier Latin (10 h-22 h), même si elle n'a pas encore sauté le pas du dimanche, au grand dam des étudiants (80 % des lecteurs) qui n'hésitent pas à prendre la file (2 000 lecteurs par jour pour 800 places assises). Beaucoup d'entre eux sont attachés à cette salle de lecture mythique (Sainte-Ginette pour les intimes), un peu comme les lecteurs de la BPI du Centre Pompidou qui comparent le temps d'attente avant d'entrer à un parcours initiatique. De Labrouste à Renzo Piano...
(1) Yves Peyré, La bibliothèque Sainte-Geneviève à travers les siècles, "Découvertes"/Gallimard, 128 p., et Le rétablissement d'une architecture : honneur à Labrouste, Sainte-Geneviève, 88 p.