Un "travail titanesque", assure Oliver Gallmeister. "Le plus important investissement humain et financier" engagé par Gallmeister, complète l’éditrice Ekaterina Koulechova. Le projet ainsi défini ? La traduction des Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski, à paraître en deux volumes réunis dans un coffret dans la collection "Litera" le 9 novembre.
Les chiffres sont éloquents : l’ouvrage a nécessité plus de deux années de travail, l’implication de six personnes — dont deux éditrices russes — à différentes étapes pour proposer une "traduction de référence" de 1 400 pages et de 2 265 000 signes. À en croire Gallmeister, c’est 15 % de signes supplémentaires que la traduction de Gallimard datant de 1923 par exemple. Dans les années 1990, le traducteur André Markowicz avait entrepris de retraduire les œuvres de Dostoïevski dont Les frères Karamazov ("Babel", Actes Sud, 2002).
Subtilités de la langue
Derrière cette longue entreprise : la traductrice Emma Lavigne, lauréate du prix Pierre-François Caillé de la traduction 2020 pour sa traduction du russe de Zahhâk, le roi serpent de Vladimir Mesvedev (Noir sur blanc, 2019). Pendant de longs mois, elle a traqué les "ambiguïtés" et autres "paradoxes" présents dans la langue de l’auteur russe.
"Il faut douter de tout avec Dostoïevski, d’autant plus qu’il mène le lecteur où il veut à travers des doubles sens qui se doivent d’être présents dans la version française", explique-t-elle. En effet, cet "écrivain de la contradiction arrive à la précision par du flou", continue la traductrice. Sans compter que Les frères Karamazov, à l’origine publié sous forme de feuilleton, aurait dû connaître une suite dont "on voit les germes mais sans avoir le fin mot de l’histoire".
Complexité
Cet exercice de traduction s’est révélé d’autant plus complexe que Gallmeister "fait le choix de ne pas mettre de notes de bas de page et de traduire au plus près du texte original", souligne Ekaterina Koulechova. Et traque les anachronismes dans la langue, pour bien faire attention à ce que la version traduite ne comporte que des mots présents dans la langue française à l’époque de la rédaction des Frères Karamazov.
Si bien que de nombreux aller-retours ont été nécessaires entre Emma Lavigne et l’équipe de Gallmeister tout au long des deux années. "Je devais rendre des parties au fur et à mesure, raconte la traductrice. Et livrer des passages quasiment terminés tout en sachant que j’y reviendrai ensuite". Alors que l’ouvrage s’apprête à être disponible dans les rayons des librairies, Emma Lavigne sourit : "Maintenant que j’ai traduit Les Frères Karamazov, j’ai l’impression de pouvoir tout faire".