Alors que la nouvelle année scolaire débute lundi 2 septembre dans un contexte d’instabilité ministérielle, les professionnels de l’édition scolaire, eux aussi, sont en sursis. Lors d’une conférence de presse donnée mardi 27 août pour lancer la rentrée, la ministre démissionnaire de l’Éducation nationale Nicole Belloubet a renvoyé de nombreux points « à la fin de la période des affaires courantes ».
Parmi ces derniers, la réforme pédagogique « Choc des savoirs », annoncée en décembre 2023 par Gabriel Attal, alors ministre en exercice, mais gelée depuis la dissolution de l’Assemblée, et ce, jusqu’à la nomination du nouveau gouvernement. Un coup d’arrêt qui laisse de nouveau les professionnels de l’édition scolaire dans le flou, alors même que le dynamisme de leur activité dépend du renouvellement des programmes académiques.
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« On attendait une réforme pour 2025 »
« On attendait une réforme pour 2025. C’est ce qui dope notre activité et peut multiplier notre chiffre d’affaires par trois. Là, le flou est tel que les éditeurs commencent à s’inquiéter », confie Thierry Damagnez, patron de la librairie Cufay, qui approvisionne près de 2 500 établissements français en manuels scolaires.
Alors que les projets des nouveaux programmes ont été réécrits, ces derniers doivent encore être soumis à des consultations, avant que la version définitive ne soit validée par le CSP (Conseil supérieur des programmes). « C’est sur ceux-là que les éditeurs scolaires travaillent, mais on sait d’expérience qu’ils vont subir des modifications. Faire un manuel scolaire, ça prend à peu près neuf mois, c’est très long. Plus tôt on s’y prend, plus on a le temps, mais pour le moment, on attend le verdict du Journal officiel », détaille Agnès Botrel, directrice des éditions Magnard, filiale du groupe Albin Michel.
Un secteur tributaire des réformes éducatives
« Les réformes sont une véritable opportunité pour les éditeurs scolaires, dont l’économie vit de pics et de bas », rappelle-t-elle. Et pour cause : l’entrée en vigueur d’une nouvelle réforme éducative implique un renouvellement des manuels scolaires, qui assure de facto un important rebond des ventes pour les professionnels de l’édition scolaire.
Grâce à la réforme du lycée en 2019, le secteur passait ainsi du cinquième au deuxième rang en valeur sur le marché de l’édition, affichant une croissance exceptionnelle de 35,9 % par rapport à 2018. Aujourd’hui, le segment du livre scolaire ne pèse que 10,6 % de l’ensemble du marché français de l’édition (soit 296 millions d’euros de chiffre d’affaires net en 2023), contre 14 % en période de réforme d’après les chiffres du Syndicat national de l’édition (SNE).
Une « absence totale de visibilité »
« On a une idée de ce qui était prévu avec les lettres de saisine du CSP, mais actuellement, aucun texte définitif n’a été publié pour garantir la mise en application de nouveaux programmes. La situation politique fait que l’on reste suspendu à la nomination d’un nouveau gouvernement, de même que la labellisation des manuels qui doit passer devant le Conseil des ministres », explique Valérie Barthez, qui dirige l’association Les Éditeurs d’Éducation. « Il est très important, pour les éditeurs scolaires, d’avoir un calendrier, de connaître l’année de rentrée de la mise en application des programmes. Aujourd’hui, il y a une absence totale de visibilité, ce qui ne facilite pas le travail en interne », ajoute-t-elle.
L’heure est donc aux devinettes pour les éditeurs scolaires. D’autant plus que le prochain gouvernement, en fonction de sa couleur politique et de ses priorités, pourrait bien remettre en cause l’intégralité du « Choc des savoirs ». Valérie Barthez s’interroge : « Est-ce qu’il conserverait tout ou partie de la réforme ? Est-ce que des motions de censure seront déposées ? On repart, dans tous les cas, sur une nouvelle attente… »