Dominique Bona a tout réussi dans sa vie. Dussent sa modestie et sa discrétion en souffrir, c'est la vérité. Née coiffée dans une famille aimante, les Conte, bosseuse, brillante élève, agrégée de lettres, elle a tôt commencé dans le journalisme, publié son premier roman, Les heures volées, au Mercure de France, en 1981, à 28 ans. Elle a enchaîné ensuite fictions et biographies, de plus en plus, au point que François Nourissier, elle le raconte à la fin de son présent livre, lui demande pourquoi elle semble avoir renoncé au roman. Sa réponse : les vies des autres, ses héros, lui semblent plus romanesques que tous les romans, et « la biographie ne peut pas mentir ».
Elle a quand même obtenu l'Interallié et le Renaudot pour ses romans, enchaîné des travaux sur Romain Gary, les sœurs Heredia, Stefan Zweig, Berthe Morisot, Camille et Paul Claudel, Clara Malraux, la famille Rouart, Colette, Paul Valéry et son dernier « grand amour », qui lui ont aussi valu quelques prix, et, récompense suprême, son élection, en 2013, à l'Académie française. Au fauteuil n° 33, qui fut jadis celui de Voiture ou de Voltaire, et où elle a succédé à Michel Mohrt, un homme avec qui elle était liée d'amitié et un écrivain qu'elle admirait. Elle n'a même pas eu à souffrir d'écrire son éloge, si ce n'est par crainte de n'être pas à la hauteur. Dominique Bona est également une femme épanouie, à la fois féministe (les héroïnes de ses livres sont souvent des affranchies, voire rebelles ou scandaleuses) et mère et grand-mère attentionnée.
Alors, on cherche la fêlure, et on se dit que, peut-être, on la trouvera dans les pages de ses Vies secrètes qu'elle se décide à raconter aujourd'hui. Un livre de confidences, en effet, mais où Dominique Bona raconte, de sa vie, surtout ses rencontres avec les autres, réelles, ses amitiés (avec Jean-Marie Rouart, par exemple, qui joua dans sa carrière un rôle déterminant, comme dans celle de tous les jeunes journalistes-écrivains qu'il fit débuter au Quotidien de Paris à l'aube des années 1980), ou ses relations imaginaires avec ses grands modèles d'autrefois. Dans les deux derniers chapitres, toutefois, elle laisse percer une certaine nostalgie, ne serait-ce que celle du temps passé, des ombres chères qui ne sont plus (comme Simone Gallimard, dépeinte avec une réelle affection), mais à sa façon : pudique, et dans un style d'une élégance toute classique. Académique ? Elle assume.
Mes vies secrètes
Gallimard
Tirage: 20 000 ex.
Prix: 20 euros ; 320 p.
ISBN: 9782072830723