Conscient de la portée symbolique de la décision, Hervé Rouanet, DG d'Encyclopædia Universalis, a fait un événement de la fin d'une époque : le dernier éditeur d'encyclopédies généralistes multivolumes en France arrête l'exploitation de son produit phare en version papier, et passe au tout numérique. Les 999 derniers exemplaires numérotés de la collection (30 volumes) seront vendus à 1 494 euros, soit un rabais de 60 % par rapport au prix public habituel. Pour l'éditeur, cette ultime faveur à ses acheteurs ne changera rien en termes de recettes : pour une fois, Universalis vendra sa production, sans passer par la diffusion de sa maison mère, Encyclopædia Britannica France, qui retenait 60 % de taux de remise. Si elle est entièrement vendue, cette dernière série faite pour attirer les collectionneurs relancera même le chiffre d'affaires papier, qui avait tout juste atteint un million d'euros en 2011, en retrait de 45 % par rapport à l'année précédente, selon le bilan de l'entreprise. A la mi-novembre, le compteur du site de vente indiquait qu'il restait encore 683 exemplaires.
La version numérique offre un meilleur rapport
Le numérique devra assurer l'essentiel des recettes. La maison s'y prépare depuis 1995, date de la première version de l'Universalis sur CD-Rom, basculée sur DVD. Vendu à 120 euros, il représente une partie des 2 millions d'euros de recettes des produits à réédition annuelle, en repli, avec Universalia (synthèse d'actualités) et Science au présent, >tous deux sur papier. Les contenus diffusés en ligne ont assuré 1,1 million d'euros de chiffre d'affaires, en hausse de 18 %. Il s'agit des abonnements des particuliers à l'Universalis (8 500 selon le communiqué) et de ceux du monde de l'éducation - lycées, universités et, depuis janvier dernier, les collèges, avec le contenu numérisé de l'Universalis junior, également reconfiguré pour les écoles primaires. La maison a aussi lancé cette année des versions epad d'une partie de ses ouvrages thématiques papier, qui se portent bien (670 000 euros de recettes, + 10 %). Les abonnements en ligne ont surtout l'avantage de ne pas être amputés des remises de 50 à 60 % qu'Universalis France doit reverser sur ses autres publications à la succursale française de Britannica, sa maison mère, elle-même contrôlée par le financier suisse Jacqui Safra.
Cette ponction peut expliquer la situation financière incertaine d'Universalis, en perte constante depuis cinq ans, et régulièrement recapitalisée par son actionnaire. Il faudra toutefois un grand dynamisme de l'activité numérique pour atteindre l'an prochain les 7 millions d'euros de chiffre d'affaires attendus par sa direction générale, soit une progression de 37 % par rapport aux 5,1 millions réalisés l'an dernier.