6 mars > Biographie France

René de Ceccatty avait 15 ans lorsqu’il a vu pour la première fois Greta Garbo sur l’écran de la télévision familiale à l’occasion d’une rétrospective de ses films, fin 1966. La star qui n’était plus apparue au cinéma depuis La femme aux deux visages quinze ans plus tôt, était déjà une icône hiératique, vestale d’un culte fétichiste. Arrivée à Hollywood en 1925 de sa Suède natale, accompagnée de son mentor, le cinéaste Mauritz Stiller, elle avait derrière elle seize ans de carrière sous contrat exclusif avec la MGM, vingt-cinq films, dix muets et quinze parlants - « dont, hélas, aucun n’est un chef-d’œuvre », constate l’écrivain - et quelques rôles marquants parmi lesquels l’androgyne Christine de Suède dans La reine Christine.

Un renoncement n’est pas la biographie classique d’une actrice : il emprunte au genre le souci des faits précis et avérés, la démarche documentaire, mais ni l’angle, ni la structure. Moins portrait, dit l’auteur, que « variations », il tourne autour. Interprétant la retraite de la star non comme une éclipse volontaire mais comme un renoncement, René de Ceccatty prend pour base mélodique le projet d’adaptation de La duchesse de Langeais de Balzac que devait tourner à Rome Max Ophuls à l’automne 1949. Le rôle d’Antoinette de Navarreins, une héroïne sur mesure pour celle qui refusait de jouer les meurtrières et les mères, sera son dernier contrat. Sans suite. Plus jamais elle ne tournera, jusqu’à sa mort, le 15 avril 1990.

Méfiant à l’égard des sources, y compris et peut-être surtout, quand elles sont proches, l’écrivain spécule très peu sur la nature réelle des relations intimes de la star même s’il s’attache longuement aux liens de Garbo avec quelques figures de sa vie amicalo-amoureuse : Cecil Beaton, l’un des rares, avec la scénariste Mercedes de Acosta, qui ait écrit sur Garbo en témoin direct, dans son journal ; la scénariste Salka Viertel ; George Schlee, qui l’« accompagnera » de 1940 à 1964 ; ou la riche héritière Cécile de Rothschild…

Qui a dit « être belle, c’est naître riche et mourir ruinée » ? Greta Garbo qui très vite sera à l’abri du besoin avec une fortune considérable, fera l’expérience précoce de l’irrémédiable faillite de sa « surhumaine » beauté. Et René de Ceccatty revient à plusieurs reprises sur cet effondrement, prématuré lui aussi, au point de se demander si la date de naissance (1905) n’a pas été falsifiée. Mais ce qui apparaît aussi avec cruauté dans ces lignes, c’est la stratégie de communication des studios autour de ce lucratif joyau et la défiance définitive de l’actrice à l’égard de l’industrie hollywoodienne.

Comment faire coïncider toutes ces images de Garbo ? L’anorexique austère habillée couture, la mondaine des hauts lieux de la jet-set européenne et la recluse de Manhattan, la retraitée du cinéma et l’actrice encore en quête de rôles… Quel paradoxe que cette femme d’une « timidité maladive » pourtant mondialement célèbre, qui en protégeant jalousement sa vie privée ne faisait qu’entretenir la curiosité !… Le mérite des biographies réussies est de ne pas dissiper le mystère de tels mythes.

V. R.

Les dernières
actualités