Premier roman à forte composante autobiographique, Rideau ! témoigne d'une problématique bien actuelle : la difficile transmission des petits points de vente peu rentables alors qu'ils demandent beaucoup de travail.
"De la race des fils de commerçants », comme son narrateur Ludo, Ludovic Zékian raconte par l'intime le quotidien d'une mère et de son fils qui ont tenu durant les décennies 1990 et 2000 une maison de presse-librairie dans une ville de province en Isère. Avec justesse, il évoque les joies du métier : celles consistant à développer un fonds de livres, à promouvoir des coups de coeur qui ne sont pas des best-sellers, la fierté d'avoir su créer un lieu devenu "en quelques années le commerce culturel incontournable de La Tour du Pin et de ses environs"... Dans le cadre de son témoignage, il ne résiste pas au plaisir de lâcher quelques perles entendues en magasin, comme cette cliente demandant "Les dix petits maigres" et cette autre "L'école des fans". Mais il raconte aussi des moments plus sombres : les journées débutées à 5 h 45 pour accueillir les premiers acheteurs de journaux, les soucis d'argent, la lassitude et, au bout du compte, la fermeture du magasin faute de repreneur. S'il évoque le contexte économique et la disparition progressive des commerces de proximité, Ludovic Zékian ne passe pas pour autant sous silence certaines erreurs de management, à commencer par la réduction de l'offre dès les premiers signes d'effritement de la demande. Avec un regard tendre, Ludo, le fils, se souvient ainsi des premiers dérapages mal gérés, voire niés. A côté du portrait d'une femme courageuse, qui, adolescente, accompagnait son père "faire les marchés" avant de devenir libraire, l'auteur raconte le déracinement et la difficulté de sortir de son milieu d'origine pour en intégrer un autre à travers le parcours du fils monté à Paris pour être fonctionnaire au ministère des Finances.