"Mon mandat s’achève en octobre 2018, et ma volonté est de le mener à son terme. Je n’ai pas terminé ce que j’ai à faire, j’ai encore des idées et je pense avoir gagné la reconnaissance des professionnels du secteur, mais la décision ne dépend pas de moi", reconnaît Vincent Monadé. Nommé en octobre 2013 par l’actuel président de la République, le président du Centre national du livre (CNL) dispose d’un mandat de cinq ans, selon la règle qui s’appliquait alors. Sous réserve que la nouvelle majorité qui résultera des prochaines élections ne préfère placer sans attendre un proche à la tête de l’établissement public.
700 000 euros pour Partir en livre
Vincent Monadé tient ainsi à expliquer sa politique, située à la fois dans le long terme, et sous la contrainte de budgets annuels incertains, imposant des arbitrages constants. Dans la durée, le socle de son action est "la promotion de la lecture, surtout celle des enfants, et des adolescents : si on lit encore à 15 ans, c’est gagné pour la vie", affirme-t-il. D’où la création en 2015 de Lire en short, rebaptisée Partir en livre pour la deuxième édition de cette manifestation estivale qui veut multiplier les lecteurs de demain, enjeu de l’équilibre d’une société, et accessoirement d’un marché du livre.
"L’été dernier a marqué une vraie réussite, on peut même parler de triomphe, mais il faut maintenant installer cette dernière quinzaine de juillet en fête de la lecture, comme la fête de la musique, dont les familles et les jeunes attendront le programme. Aujourd’hui la fréquentation vient plutôt de la multiplication des rencontres où sont organisés les événements." Le budget est de 700 000 euros, dont 200 000 euros viennent de partenariats (Vinci, Orange, etc. ; France Télévisions et Radio France pour la communication). "L’enjeu est d’augmenter le budget pour faire connaître Partir en livre, et l’Education nationale sera aussi sollicitée pour en parler avant les départs en vacances." L’appel à projets de l’édition 2017 sera bouclé le 23 janvier. L’an dernier, le CNL en avait recensé 3 066.
Baisse des ressources
La pérennisation des ressources du Centre est l’autre objectif de long terme de son président. "Le CNL célèbre ses 70 ans, pourra-t-il fêter ses 80 ans ?, s’interroge Vincent Monadé avec la volonté d’alarmer la prochaine majorité. Nos recettes sont tendanciellement en baisse, et il n’y a aucun espoir de redressement avec l’assiette actuelle des deux taxes qui constituent l’essentiel des ressources. Un rapport remis en début d’année au ministère de la Culture a bien identifié le problème, un second attendu prochainement devra proposer une solution pour les dix à quinze prochaines années", espère-t-il.
Comme celui d’une entreprise, le budget du CNL n’est connu avec certitude qu’après la fin de son exercice. Il vient d’une taxe de 0,2 % sur les ventes de livres, réglée par les éditeurs dont le chiffre d’affaires dépasse 76 300 euros, étendue cette année au livre numérique, ce qui ne compensera qu’une partie du recul. En dix ans, elle a perdu 1 million d’euros (- 23 %), à 4,54 millions d’euros en 2015. Grâce aux ventes de manuels scolaires, les rentrées de 2016 et 2017 devraient au moins se maintenir. Presque doublé en 2007 après une modification de la réglementation, alors que le CNL était déjà confronté à une érosion de ses ressources, le produit de la taxe de 3,25 % sur les imprimantes a fondu de 3 millions d’euros (- 10 %) à 27,7 millions d’euros après son record de 2011.
Elle est aussi régulièrement contestée par les importateurs et fabricants d’imprimantes, qui ont obtenu à trois reprises en dix ans des reversements importants. "En octobre 2015, le ministère des Finances nous a prévenu que 1,5 million d’euros devait être remboursé, à la suite d’un contentieux tranché en faveur d’un redevable. En décembre, le CNL a bénéficié d’une recette inespérée de 4,8 millions d’euros qui a permis de faire face à nos engagements, mais on ne peut pas fonctionner avec de tels aléas", insiste Vincent Monadé, jugeant indispensable la consolidation de la réglementation. En attendant, "je reste sur un budget de rigueur, avec des comptes équilibrés à partir d’une estimation de rentrées fiscales globales à 28 millions d’euros, qui trace le périmètre de notre intervention. Nous avons réduit tout ce qui n’est pas au cœur de nos actions, mais nous sommes à l’os, je ne saurai pas faire plus", prévient le président du CNL.
Sauramps, le gros dossier de 2017
Le soutien à la librairie est préservé, à 4,5 millions d’euros, et l’enveloppe des prêts anticipe la reprise attendue de Sauramps, à Montpellier, le gros dossier de 2017. Les librairies labellisées Lir bénéficient aussi d’au moins 560 000 euros supplémentaires d’accompagnement, sous forme d’exonération de taxes locales. L’aide aux bibliothèques est alignée sur ce qui a été consommé (700 000 euros). Le budget de la numérisation patrimoniale de la Bibliothèque nationale de France est contenu. Les éditeurs ayant numérisé l’essentiel de leurs fonds, cette ligne est en partie réaffectée, mais le secteur bénéficie globalement d’une hausse de 7,7 % des moyens. L’ouverture des prêts aux éditeurs par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) permettra aussi d’autres arbitrages.
La rémunération des auteurs
Choix déterminé mis en œuvre en 2016, le financement des interventions des auteurs sur les salons devrait valoir la reconnaissance des intéressés au président du CNL. "C’était une réforme indispensable. La littérature devient aussi un spectacle, l’auteur est un acteur de l’art vivant, ce qui exige présence et temps de travail, donc rémunération d’autant plus nécessaire que leurs droits sur les ventes diminuent. Au total, avec l’ensemble des contributions des organisateurs, des sponsors, de la Sofia, etc., les auteurs participant à des festivals soutenus par le CNL ont reçu 2 millions d’euros, dont 250 000 euros du Centre", précise Vincent Monadé, qui veut aussi mieux financer leurs déplacements et ceux des éditeurs en librairie. Le budget auteurs progresse au total de 6 %.
"On voit bien que les librairies indépendantes sont indispensables à l’équilibre de cette édition qui serait perdue dans la grande distribution. Mais il faut tenir ce syncrétisme entre la nécessité des best-sellers et l’excellence de la diversité, qui donne des prix Nobel - les trois derniers auteurs français qui l’ont reçu avaient tous bénéficié du soutien du CNL. Notre budget ne représente que 1 % du chiffre d’affaires de l’édition, mais il est central dans l’entretien de sa pluralité", affirme son président.