Livres Hebdo : Comment se présente ce festival ? Quelles sont ses perspectives de croissance dans un lieu – le Grand Palais éphémère – qui a semblé l’an passé à la limite de ses capacités ?
Vincent Montagne : Ça se présente bien ; le week-end ne devrait pas être trop chaud et un peu gris, ce qui est parfait pour notre festival. On a travaillé à l’équilibrage de la fréquentation sur tout le week-end et à la fluidité des caisses – pour éviter la queue le samedi après-midi, notamment. Mais en fait, elles n’étaient pas si longues l’an passé, et les gens peuvent venir quand ils veulent. Le but, c'est de faire découvrir des auteurs et des maisons : le Festival du livre de Paris, c'est 350 rencontres avec des auteurs, 1 200 auteurs qui participent au total à 1 850 séances de dédicaces, et plus de 90 000 livres vendus l’an passé. On peut encore un peu améliorer la fréquentation et viser les 105 ou 110 000 visiteurs cette année contre 102 000 l’an passé.
On a également repensé les espaces prévus pour le new adult, pour que les stands soient plus accessibles et que les queues des dédicaces ne dérangent pas les autres maisons. Mais c’est un peu un faux débat : les jeunes qui veulent des livres de ces genres très populaires se débrouillent pour les avoir.
Les moins de 25 ans représentaient 42 % des visiteurs l’an passé. Mais cette année, avec les vacances scolaires, ils ne seront peut-être qu’un tiers. Il y aura plus de jeunes qui ont choisi de venir eux-mêmes, et un peu moins de scolaires… Et les réservations pour les rencontres démontrent que le pass Culture est un très bon outil pour favoriser la fréquentation des jeunes.
L’invité d’honneur est le Québec, un territoire francophone qui est à la fois un marché et un partenaire pour l’édition française, mais aussi un concurrent, comme le démontre l’installation en France de maisons comme Héliotrope, pour prendre la plus récente.
Les Québécois sont nos cousins, ils achètent nos livres. La richesse culturelle de leur édition est une bonne nouvelle pour la francophonie. Grâce à cette invitation, la perception de leur littérature évolue en France. Ce sont des partenaires d’une grande richesse ; leur langue est vivante, ils ont une vraie capacité d’attraction et ont gardé un côté humble. Ils nous concurrencent désormais dans les prix français. Mais ce ne sont pas les seuls. Mohamed Mbougar Sarr est Sénégalais et il a eu le Goncourt en 2021 ; Kevin Lambert, Québécois, a reçu le Médicis en 2023. Dans le fond, ce sont de bonnes nouvelles pour la littérature et l’édition francophone, et la vente de droits à l’international. Certains jeunes Français veulent partir étudier ou vivre au Québec, d’autres veulent apprendre le japonais pour lire des mangas en langue originale (11 % des jeunes Français, d’après mes chiffres) – l’internationalisation est un vecteur de développement pour tout notre secteur.
C’est la dernière année de Jean-Baptiste Passé à la tête du Festival du livre de Paris. Il est remplacé par Pierre-Yves Berenguer, qui a un profil plus événementiel. Est-ce le signe d’une volonté de faire évoluer le festival, qui retourne au Grand Palais en 2025 ?
Jean-Baptiste Passé a été libraire ; il est très engagé dans la filière et s’est impliqué dans la programmation. Mais un festival, c’est aussi un événement commercial. Jean-Baptiste assurait cette fonction et Pierre-Yves Berenguer fera de même, et se chargera notamment de développer les partenariats et de trouver de nouveaux sponsors.
Un article de La Lettre relayé par Le Point évoque une grande recomposition du paysage éditorial autour d’Arnaud Nourry, l’ancien président de Hachette, dont vous seriez partie prenante avec votre groupe Média-Participations ?
Lorsque nous nous sommes rapprochés du groupe La Martinière en 2017, pas une ligne n'avait été écrite avant la conférence de presse qui l'a annoncé. Ce ne sont pas forcément les opérations dont on parle le plus qui se font ! Pour des raisons juridiques liées à son départ de chez Hachette, Arnaud Nourry ne pouvait pas être un acteur de l'édition jusqu'à maintenant, mais c'est quelqu'un qui a de l’énergie et des idées et j’ai une grande admiration pour lui. Mais des discussions informelles, qu’il peut d’ailleurs avoir avec l’ensemble de la profession, ne font pas un événement, contrairement à ce que souhaitent démontrer les papiers auxquels vous faites référence.
Il y a actuellement un débat sur le retour de la publicité pour le livre à la télévision, rendue possible temporairement par un décret ministériel le 6 avril. Vous semblez y être plutôt opposé ?
Le bureau du Syndicat national de l'édition a échangé à ce sujet et maintient très largement son opposition à la publicité à la télévision. Elle créerait un effet asymétrique préjudiciable au pluralisme indispensable à notre métier. Le bouche-à-oreille reste la meilleure et la plus équilibrée des promotions pour le livre. Même si les chaînes de télévision, hertziennes notamment, n'ont plus la puissance qu'elles avaient autrefois, cette expérimentation doit être très limitée. Il faut aussi réfléchir à l’impact que pourrait avoir des campagnes pour tel ou tel livre sur des plateformes internet comme TikTok ou Amazon. Notre réflexion doit porter sur la meilleure approche pour préserver la diversité, portée notamment par les petites maisons, et promouvoir au mieux nos livres dans le respect de leurs créateurs.
