L'Alpha à Angoulême, Lilliad à Lille : ces établissements ont en commun d'avoir adopté une stratégie de marque afin de se constituer une identité forte et bien identifiée. Comme eux, les bibliothèques françaises sont de plus en plus nombreuses à recourir aux outils marketing empruntés au monde de l'entreprise pour élaborer leur projet d'établissement. Paru en décembre aux Presses de l'Enssib, Personnaliser la bibliothèque : construire une stratégie de marque et augmenter sa réputation (1) analyse ce phénomène et donne toutes les clés pour entamer ce type de démarche. « Les bibliothèques ne relèvent pas directement du commerce mais elles sont entrées dans l'économie de services et font face à des défis équivalents à ceux des entreprises : se différencier dans un espace saturé par le marketing et la publicité, exister dans la compétition avec d'autres services publics ou privés, créer une expérience client, souligne Jean-Philippe Accart, directeur de la bibliothèque de l'Ecole hôtelière de Lausanne, et coordinateur de l'ouvrage. Construire une stratégie de marque, c'est donner une identité à la bibliothèque ou au service. »
Le nom, marqueur d'identité
Cette démarche se traduit dans bien des cas par l'adoption d'un nom original, facile à retenir, et d'où le mot « bibliothèque » a disparu afin de libérer l'établissement des représentations un peu limitatives encore trop souvent associées à ce terme dans l'esprit des gens. Cette volonté a présidé au choix du nom de l'Alpha, la médiathèque de Grand Angoulême ouverte en décembre 2015, choisi par vote d'un jury dans une liste préétablie par la direction de la communication de la communauté d'agglomération avec l'aide d'un cabinet de naming. « Il n'était pas question de donner le nom d'un écrivain, se souvient Corinne Batime, l'actuelle directrice de l'Alpha. Nous voulions un nom court, facile à retenir, le plus générique possible et qui ne fasse pas référence exclusivement à la bibliothèque. » L'enjeu, pour l'établissement, était de valoriser la diversité de son offre, constitué ed'une bibliothèque mais aussi d'un auditorium, d'un café, d'une halte-garderie, d'une programmation culturelle, auprès du grand public, des élus et des acteurs du monde économique.
A Lille, la création de la marque Lilliad, entamée deux ans avant son ouverture en septembre 2016, résulte du même cheminement. L'objectif était de donner une identité bien repérable au nouvel équipement au projet original, regroupant une bibliothèque universitaire moderne, mais aussi un pôle dédié à la recherche et à l'innovation, baptisé Xperium, et un espace événementiel dédié tout particulièrement aux acteurs du monde de l'entreprise. « L'idée de construire une marque est apparue comme indispensable pour communiquer sur nos services, qui avaient vocation à s'ouvrir largement à l'extérieur de l'université, explique Julien Roche, directeur du service commun de la documentation de l'Université de Lille. Or, les termes "bibliothèque universitaire" renvoient à une image qui ne reflétait pas la diversité de nos services. Il fallait un nom sur lequel chacun puisse projeter sa propre réalité. »
La stratégie de marque peut porter non sur l'ensemble d'un établissement ou d'un réseau mais sur un service spécifique, comme l'a fait la Bibliothèque municipale de Lyon, tout d'abord avec les Guichets du savoir, son service de questions-réponses en ligne, puis avec Numelyo, sa bibliothèque numérique, et Topo, son magazine culturel. « Les utilisateurs ne font pas forcément le lien entre ces services et la Bibliothèque municipale de Lyon, observe Gilles Eboli, son directeur. Ce n'est pas plus mal car pour certaines personnes, la référence à l'institution bibliothèque peut être un frein. »
Un choix efficace
Les établissements qui se sont engagés dans cette voie en tirent un bilan positif. « La démarche de marque a rendu l'équipement plus visible, plus attractif, témoigne Corinne Batime. Ce terme générique signale que c'est une bibliothèque particulière par son positionnement et son offre, complémentaire des autres établissements du territoire qu'elle a vocation à desservir. C'est devenu l'Alpha de tout le monde. » Julien Roche relève également l'efficacité de ce type de stratégie. « Nos utilisateurs, à l'intérieur de l'université comme à l'extérieur, se sont emparés du nom, qui est bien connoté et n'a subi aucun détournement, note le directeur. Ils ne viennent pas à la BU mais à Lilliad. L'établissement occupe également une place importante dans la stratégie de communication propre à l'université, en particulier à l'international. »