Jonathan et Mina Martin forment un couple de trentenaires bobos, un peu hippies, qui ont choisi, dix ans auparavant, de quitter la ville pour s’installer dans le Berry, sur les bords d’un canal, et y mener une vie en accord avec leurs valeurs. Lui, fan de blues, s’occupe de ses ruches, produit et vend son miel. Elle, guide touristique, fait visiter le château d’à côté. Activités qui leur laissent le temps de s’occuper de leur fils Romain, un gamin de 10 ans sans problème, qui ne semble pas frustré de vivre sans tous ces gadgets technologiques qui aliènent ses copains.
Mais, un triste jour, ce bonheur berrichon sans nuages se voit menacé, de façon tout à fait déroutante. Frappe à leur porte leur nouveau voisin, qui a acheté la maison de l’éclusier toute proche, une ruine, pour se présenter. Coïncidence, il s’appelle également Martin, Vladimir, et séduit vite toute la famille. Il est chic, cultivé, chaleureux et discret en apparence. Et aussi très riche. Petit à petit, en échange de l’aide qu’apportent ses nouveaux amis à son installation, il leur offre des cadeaux, à Romain surtout, le plus vulnérable.
Car, à l’instar de Léonard, le frère de Mina, un écolo pur et dur imperméable au « charme » de Vladimir, le lecteur comprend vite que ce voisin dissimule de lourds secrets, et de noires intentions. Il se met à imiter les Martin : même Volvo rouge, même look que Jonathan, aménagement exactement semblable de sa maison. Puis il se rend indispensable. Un début de zizanie s’installe dans le couple. Jonathan tente d’alerter Mina. En vain. Séduite, grisée par la vie facile que Vladimir lui offre, ainsi qu’à Romain, elle va finir par tromper son mari, afficher sa liaison, et s’installer chez l’autre, avec son fils et sa chienne.
Jonathan réagit comme un animal blessé, il tempête, il boit, il se bat. Mais Vladimir a du répondant, un aplomb et un cynisme à toute épreuve. Ce conflit ne peut se terminer autrement qu’en drame, mais le romancier a réussi une fin inattendue, qu’on se gardera bien de dévoiler ici.
Olivier Bordaçarre, déjà auteur de trois romans chez Fayard depuis Géométrie variable (2006), a du talent. Il sait construire un suspense psychologique hitchcockien, mais avec une french touch : tout en finesse, en glissant des indices là où on ne les soupçonne pas. Sans manichéisme non plus, puisque même Jonathan n’est pas un héros parfait. J.-C. P.