3 février > Polar France

Cette quatrième aventure de Voltaire détective, concoctée par le facétieux Frédéric Lenormand, fin connaisseur du XVIIIe siècle français - entre autres, mais aussi de la Chine des Tang -, est un régal, qui surpasse même son titre prometteur, Crimes et condiments. Condiments surtout, qui fait tout le sel de ce roman équilibré entre intrigue et contexte historique, même si c’est ce dernier, savamment mis en scène par l’auteur, qui, au final, passionne le lecteur. Le côté «policier » étant, cette fois, plutôt ténu.

Nous sommes en 1734. L’encore jeune et déjà célèbre François-Marie Arouet, alias Voltaire, s’apprête à publier en France, sous le manteau, ses Lettres philosophiques, déjà parues à Londres l’année précédente, lesquelles lui vaudront aussi bien un surcroît de gloire littéraire que de sérieux ennuis avec la justice : l’ouvrage sera condamné au pilori ; son auteur, déjà saisi une fois, bastonné, embastillé à deux reprises et un temps exilé en Angleterre, devra se réfugier chez son amie de cœur Emilie, marquise du Châtelet, dans son fief de Lorraine, alors principauté indépendante de la couronne de France. Au grand dam de son vieil adversaire René Hérault, le lieutenant général de police. Voltaire agace, dérange et s’est fait des ennemis. Non point seulement à cause de ses idées «subversives », du contenu de ses ouvrages, que de son caractère difficile, de son humour vachard, et de ses activités extra-littéraires : trafiquant, agioteur, usurier, prêteur sur gages, marchand d’armes, fournisseur (véreux) des armées… et l’on en passe. Pour l’Académie française, dont il rêve, il devra encore patienter douze ans ! Rien d’étonnant, donc, à ce qu’un complot soit ourdi contre lui, en 1734, depuis la Bastille. Certains puissants font relâcher l’hôte de la chambre 12, un dépeceur psychopathe, à condition qu’il les débarrasse de leur bête noire. Lequel, pendant ce temps, se voit chargé de retrouver les boucles d’oreilles en diamant de la princesse de Lixen, joue les marieurs entre son ami le duc de Richelieu et une princesse de Guise, et recrute toute une armée à son service : un curé goinfre, un ex-mendiant garde du corps et même, un temps, un cuisinier-virtuose qui se révélera être un jeune marquis en rupture de ban, apôtre de la «nouvelle cuisine » !

Crimes et condiments est un conte farfelu mais moral où l’on se tue un peu, où l’on parle pas mal, où l’on voyage beaucoup, y compris dans l’histoire. Maître Lenormand y distille son talent, son humour et son érudition : il semble qu’il ait même lu Les bijoux de la Castafiore d’Hergé. Vite, une autre gourmandise. J.-C. P.

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