L'éventuelle suppression de la remise de 5 % soulève un certain nombre de questions essentielles. A mon sens, cette mesure aurait le mérite de répondre à trois objectifs majeurs.

D'abord, cela permettrait de renforcer la loi de 1981 en fixant un véritable et seul "prix unique" pour tous. La montée en puissance d'acteurs de la vente en ligne pratiquant systématiquement la remise de 5 %, accompagnée de la gratuité des frais de port, a considérablement brouillé la portée de cette loi dans l'esprit des clients, pour lesquels le livre peut s'acheter moins cher ailleurs.

Ensuite, cette mesure donnerait à tous les libraires ces deux points de marge nécessaires que la négociation commerciale avec la plupart des diffuseurs n'a malheureusement pas permis d'obtenir malgré un assez large consensus autour du diagnostic. Or, il en va de la pérennité de ce fragile mais dynamique écosystème, et redonner un peu de marge de manoeuvre à la librairie est une nécessité, devenue une urgence dans de nombreux cas. Pour poursuivre ce travail qualitatif qui caractérise nos librairies en rémunérant justement nos équipes, pour continuer à proposer cette profondeur d'assortiment, pour adapter nos commerces aux évolutions, pour nous maintenir dans les centres-villes, l'immense majorité des librairies se doit de retrouver rapidement un peu de marge financière au risque de voir les entreprises les plus faibles disparaître.

La crise, la fragilité du lien avec la clientèle sont autant d'arguments pour maintenir cette possibilité de remise commerciale, au demeurant assez faible pour chaque client mais très coûteuse pour nos entreprises dont la marge est parmi les plus réduites de tous les commerces de détail.

Une telle mesure pourrait enfin être l'occasion de repenser profondément la question de la fidélisation de nos clients, fidélisation qui ne se résume évidemment pas à l'octroi d'une remise de quelques euros. Saisissons cette occasion pour communiquer collectivement autour de notre métier, des savoir-faire qu'il induit et des valeurs qu'il véhicule, et faisons le pari que nos clients continueront à franchir les portes de nos librairies et acheter des livres au même prix qu'ailleurs.