19 avril > Littérature Autriche

Stefan Zweig (1881-1942) n’est pas un génie de la littérature, l’un de ces monstres sacrés incontournables que tout honnête homme se doit d’avoir lus. Pas même l’un des plus grands écrivains de langue allemande du XXe siècle, comparé à Kafka, Musil, Thomas Mann, Hermann Hesse ou Joseph Roth. Il fut, en revanche et de son vivant, l’un des plus célèbres et des plus gros vendeurs de livres, succès qui lui a vite été reproché par toute l’intelligentsia de son temps, et continue de lui être reproché, post mortem. « Dans l’Allemagne d’aujourd’hui, explique Jean-Pierre Lefebvre, germaniste et philosophe, professeur à l’Ecole normale supérieure et maître d’œuvre du colossal chantier zweigien, Zweig est toujours considéré comme untouche-à-tout qui a réussi, un grand bourgeois à qui l’on reproche sa modération, son long attentisme en politique, son classicisme un peu guindé. Seuls son départ d’Allemagne, en 1935, à cause des persécutions dont il était l’objet de la part des nazis et des fascistes autrichiens, son exil puis son suicide au Brésil, en 1942, planifié, organisé et mis en scène avec sa maniaquerie coutumière, lui ont conféré une dimension mythique, susceptible de réconcilier avec lui une critique qui n’a jamais été tendre à son égard. »

Pour l’entrée de Stefan Zweig dans la « Bibliothèque de la Pléiade », juste après que son œuvre vient de tomber dans le domaine public, Gallimard a privilégié le pan littérairement le plus important dans sa production, aussi considérable que diversifiée. Laissant de côté poésie, essais, théâtre, biographies, journal et correspondances, l’équipe réunie par Jean-Pierre Lefebvre a choisi de rassembler ici la fiction (au sens large) de Zweig : soit toutes ses nouvelles et récits - et c’est là qu’il donne son meilleur -, l’unique roman publié de son vivant (Impatience du cœur, ou La pitié dangereuse), ses deux romans inachevés, Ivresse de la métamorphose et Clarissa, ainsi que l’ensemble de ses « miniatures historiques », Grandes heures de l’humanité et Le monde d’hier, son autobiographie nostalgique, achevée quelques mois avant sa mort.

Cette édition en deux volumes, la première complète en français, est rigoureusement chronologique, et tous les textes ont été retraduits par une équipe de quatorze traducteurs. « Même si Zweig a fait preuve, dès ses débuts précoces, d’une grande homogénéité stylistique, conclut Jean-Pierre Lefebvre, cette retraduction était indispensable : les traductions d’origine avaient beaucoup vieilli et certains textes avaient été coupés. » Grâce à la « Pléiade », le temps est peut-être venu de lire enfin le meilleur de Stefan Zweig, sans présupposés. J.-C. P.

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