Francfort 2024

Global 50 2024 : Les grandes manœuvres

Dans les allées de la Foire internationale du livre de Francfort. - Photo OLIVIER DION

Global 50 2024 : Les grandes manœuvres

Publié à l'occasion de la Foire internationale du livre de Francfort (qui s'est ouverte ce 16 octobre) par Livres Hebdo conjointement avec les médias professionnels Publishers Weekly (États-Unis), Bookdao (Chine), Digital Publishing Report (Allemagne) et The Bookseller (Royaume-Uni), le 18e classement mondial « Global 50 » est le reflet des grandes tendances qui animent l'édition mondiale, entre consolidations, digitalisation et diversification.

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Par Pierre Georges
Créé le 16.10.2024 à 18h36

L'aboutissement de batailles de consolidation majeures. Voilà comment l'année 2023 peut être résumée pour les grands acteurs de l'édition mondiale. Publié à la veille de la Foire internationale du livre de Francfort (du 16 au 19 octobre) par un groupe de médias professionnels comprenant Livres Hebdo en France, Publishers Weekly aux États-Unis, Bookdao en Chine, -Digital Publishing Report en Allemagne et The Bookseller au Royaume-Uni, le classement Global 50 des premiers éditeurs mondiaux témoigne d'une année 2023 qui aura vu se remodeler le planisphère du livre.

Si le top 10 mondial varie encore une fois très peu par rapport aux années précédentes, des manœuvres internes complexes l'ont vu se réformer en profondeur, et ce des deux côtés de l'Atlantique. Aux États-Unis, Simon & Schuster a finalement été racheté par la société d'investissement KKR Private Equity, après que les autorités de la concurrence ont interdit son acquisition par son rival Penguin Random House, qui reste lui dans le giron du conglomérat allemand Bertelsmann.

En France, le premier groupe d'édition, Hachette, maison mère de Hachette Book Group aux États-Unis, a, au terme d'un feuilleton que les lecteurs de Livres Hebdo ont pu suivre au quotidien pendant trois années, également changé de propriétaire et se trouve désormais sous l'égide du groupe Vivendi. Pour satisfaire les autorités européennes de la concurrence, Vivendi a dû se séparer d'Editis, numéro deux de l'édition hexagonale, cédé à CMI, le groupe de l'homme d'affaires tchèque Daniel Kretinsky. Outre ces exemples d'ampleur, les stratégies de consolidation se sont élargies aux éditeurs nationaux de plus petite taille, comme les rachats du groupe Delcourt par Editis et de -Christian Bourgois éditeur par Madrigall l'ont récemment prouvé.

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Le stand Penguin Random House à la Foire internationale du livre de Francfort.- Photo OLIVIER DION

Digitalisation et diversification

Au-delà, l'édition vit une période charnière autour des questions d'intelligence artificielle. Si les éditeurs scientifiques et professionnels, qui une année de plus dominent le classement mondial, avaient déjà la réputation de résister à toutes les conjonctures, ils réussissent à s'adapter avec panache à la déferlante, intégrant l'IA dans toutes leurs offres et révolutionnant leur métier. Aujourd'hui, RELX, premier éditeur mondial, qui réalise 90 % de ses activités en digital, est l'un des premiers cas concrets d'utilisation réussie de l'IA générative à grande échelle. Un phénomène qui interroge la séparation entre ce qui relève de l'édition et de ce qui n'en relève plus, distinction de plus en plus difficile à tracer.

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Dans les allées de la foire de Francfort- Photo OLIVIER DION

Plusieurs autres tendances de fond remuent les fondations de la planète livre : accélération de la consommation de livres audio, dynamique des modèles de lectures sur abonnement (vs les ventes unitaires), apparition de modèles de vente directe aux consommateurs... « Le dénominateur commun de toutes ces transformations est une digitalisation qui ne se limite pas à l'introduction de nouveaux formats de livres numériques, mais à une restructuration en profondeur des maisons d'édition, dans le cadre d'une chaîne de valeur entièrement intégrée, et de nouvelles habitudes de consommation de la part des lecteurs », note le cabinet Ruediger Wischenbart dans son analyse du nouveau classement mondial. « Il est prévisible que la mise en œuvre d'éléments et de flux de travail basés sur l'intelligence artificielle accélérera encore ces processus », peut-on aussi y lire.

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Stand Simon&Shuster à Francfort- Photo OLIVIER DION

Ces stratégies de restructuration profonde s'élargissent à tous les secteurs de l'industrie éditoriale mondiale. Les éditeurs scientifiques, puis scolaires, en avaient été les fers de lance, proposant des modèles par abonnement, ou ne produisant plus seulement des manuels scolaires mais plus largement du « contenu éducatif » sur des plateformes numériques. À noter que les éditeurs éducatifs, en Corée puis au Brésil, commencent à acquérir des établissements d'enseignement pour y intégrer directement leurs contenus. Désormais, à leur tour, les éditeurs grand public, partout sur la planète, sont surpris de l'appétit croissant de leurs lecteurs pour ces modèles sortant de l'édition traditionnelle : plateformes numériques de lecture, livres audio et podcasts, lecture sur smartphone, histoires animées en séries, webtoons, rôle de Booktok dans la vente de livres traditionnels...

Nouveaux modèles et changements profonds sur le planisphère

Ces phénomènes ont entraîné dans le classement Global 50 de nombreux changements structurels. Ces dernières années, plusieurs groupes éditoriaux de taille moyenne ont ainsi connu des augmentations significatives, et parfois surprenantes, de leur chiffre d'affaires. C'est le cas du groupe suédois Bonnier, qui s'est renforcé conjointement sur l'édition traditionnelle, la librairie et le numérique, mais aussi du groupe Planeta, l'ex-propriétaire espagnol d'Editis, ou du britannique Bloomsbury.

Autre cas particulièrement parlant : celui de Cambridge University Press et plus globalement des modèles éducatifs « EdTech ». Cet éditeur universitaire, parmi les plus prestigieux du monde, passe de la 37e à la 15e place du classement grâce à l'ajout dans son périmètre des activités de « création de contenus et d'évaluation », désormais partie intégrante des activités d'une maison d'édition.

« Une fois de plus, les éditeurs opérant dans divers secteurs cherchent à ajouter des modèles de revenus récurrents à leurs modèles commerciaux traditionnels, pour étendre la commercialisation de leurs contenus et de leurs expertises », note Ruediger Wischenbart, évoquant le double modèle économique de vente de livres d'une part et de vente d'abonnements numériques aux bibliothèques universitaires ou directement aux étudiants et aux enseignants d'autre part. Des modèles de croissance rendus possibles par des investissements technologiques importants pouvant aussi être notés chez le Brésilien Cogna Educação, l'Allemand Klett ou le Finlandais Sanoma.

Ces ouvertures vers de nouveaux champs techniques et commerciaux interrogent la définition même de l'édition. Et à trop vouloir se diversifier, certains acteurs autrefois majeurs de l'industrie du livre planétaire ont aujourd'hui franchi la ligne du changement de métier. C'est le cas par exemple de l'éditeur professionnel allemand Haufe, classé au 36e rang du -Global 50 2023, qui a indiqué cette année qu'il ne se définissait plus comme un éditeur de livres, mais comme un éditeur technologique et organisateur de formations professionnelles. Et a donc été retiré de l'édition 2024 du Global 50. Prémonitoire ? 

Retrouvez en document lié le classement des groupes d'édition en détail

Vue d'ensemble

Les dix premiers groupes du classement Global 50 2024, basé sur les données financières de 2023, accumulent près de 35 milliards d'euros de revenus sur leurs derniers exercices, représentant un peu plus de la moitié du chiffre d'affaires combiné de l'ensemble des éditeurs classés. Environ la moitié des revenus du top 10 provient des groupes d'édition universitaires et professionnels, un tiers des groupes d'éditions scolaires, et seulement 15 % des groupes d'édition grand public généralistes.

À noter que l'édition 2024 du Global 50 répertorie précisément 47 entreprises, McGraw Hill (14e en 2022) n'est plus côtée et ne partage plus de données chiffrées. Tout comme la maison d'édition scolaire russe Prosveshcheniye, à la demande de son gouvernement, depuis 2021. Alors que l'Allemand Haufe ou l'Américain Houghton Mifflin Harcourt ne se définissent plus comme des éditeurs, la seconde préférant la dénomination de « adaptive learning company ». Sans pour autant disposer de données aussi fiables que pour les précédentes. À noter aussi que le chiffre d'affaires total des 47 sociétés qui ont répondu à notre questionnaire est quasi identique à celui enregistré l'année précédente par les 50 sociétés cotées. Dernière observation : depuis 2019 et le dernier exercice prépandémique, le chiffre d'affaires total des leaders de l'édition mondiale a augmenté de 16 %.

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