En 2024, la plateforme française d’autoédition Librinova, lancée par Charlotte Allibert et Laure Prételat, souffle ses 10 bougies. L’occasion d’évoquer l’évolution joyeuse de ce marché, de revenir sur les différents succès de la plateforme et de dévoiler ses projets à venir.
« Aujourd’hui, 12 millions de Français rêvent d’écrire un livre et 2,5 millions d’entre eux auraient déjà un manuscrit finalisé dans le tiroir, rapporte Laure Prételat, lors d’une conférence de presse anniversaire donnée jeudi 21 mars à Paris, l’auto-édition permet justement que ce livre ne soit pas oublié ». Pour les deux fondatrices de Librinova, aucun doute : en 10 ans, le marché de l’auto-édition « a démocratisé l’accès au monde de l’édition ».
Une conviction qui, en 2014, avait poussé ces deux anciennes d’Edi8 à lancer la plateforme, dont le chiffre d’affaires s’élève désormais à 2,2 millions d’euros. À l’époque, Charlotte Allibert et Laure Prételat voient les manuscrits s’empiler sur les bureaux d’éditeurs débordés. « Personne ne les regardait, faute de temps et de moyen. On s’est alors dit qu’il fallait répondre aux besoins de ces auteurs. Les aider à accéder au marché, à se faire publier et distribuer largement grâce à une démarche peu coûteuse », se souviennent-elles.
« On ne voulait pas être le Uber de l’édition »
Dans un premier temps, l’équipe de Librinova, qui compte à présent 15 salariés, a permis à plusieurs centaines d'auteurs de publier leur livre en version numérique, pour la modique somme de 49 euros et en conservant la quasi-intégralité de leurs droits. À cette première offre, Librinova a ensuite ajouté tout un panel de services plus ambitieux, permettant d’accompagner le plus possible les auteurs auto-publiés.
« On ne voulait pas être le Uber de l’édition, mais intégrer le secteur (…) On s’est posé dès le début comme agent littéraire, c’est-à-dire qu’on identifie le potentiel des manuscrits et on trouve un éditeur auprès duquel on accompagne le titre et négocie », précise Laure Prételat.
Un suivi au long terme rendu possible avec la mise en place d’une « passerelle » entre les auteurs et une centaine de maisons d’édition devenues partenaires. « Aujourd’hui, un livre sur 50 publiés sur Librinova atterrit dans une maison d’édition », se réjouissent les fondatrices.
« En 10 ans, nous avons publié 10 000 livres. Mais le marché s’est beaucoup développé ces dix dernières années. En 2014, on publiait 130 manuscrits par an contre 200 par mois en 2024 », constate Charlotte Allibert, ajoutant que Librinova a enregistré une hausse d’activité de 30% rien que pour les deux premiers mois de l’année.
« L’auto-édition est désormais un moyen pour l’éditeur de repérer des auteurs à haut potentiel, décrypte Charlotte Allibert. « Il a, en sous-marin, profondément changé le secteur, le top des ventes, mais a aussi redonné du pouvoir aux auteurs », ajoute-t-elle, situant le début du boom Outre-Atlantique, avec le best-seller auto-édité d’E. L James, 50 nuances de Grey.
En France, Les gens heureux lisent et boivent du café d’Agnès Martin-Lugand reste sans doute, pour les esprits, le livre d’auto-édition au retentissement le plus extraordinaire, dont s’est ensuite emparé Michel Lafon. Depuis, Aurélie Valognes, Mélissa Da Costa ou même les dernières sorties phénomènes de la romance sont autant d’exemples de productions auto-éditées au succès fulgurant.
Un marché longtemps réprouvé
Mal aimé, le marché de l’autoédition charrie son lot de stéréotypes quant à la qualité des ouvrages et le statut de l’auteur. « On le confond souvent avec l’édition à compte d’auteur », déplore Laure Prételat, qui fait la distinction entre « un procédé où l’auteur cède l'exploitation de ses droits, paye pour des services éditoriaux et perçoit une faible rémunération » et l’auto-édition, « où l’auteur peut exploiter lui-même ses droits et de choisir ou non, de faire appel à des prestataires de services comme nous ».
Aujourd’hui, la plateforme Librinova propose une cinquantaine de services allant de la publication numérique et papier à la diffusion garantie par Hachette, en passant par une offre éditoriale de correction, de réécriture ou encore de création de fiches de lecture. Pour les livres numériques, ses auteurs touchent 50 à 70% de leurs droits, et entre 10 et 25% pour les versions papier.
La plateforme a également multiplié les initiatives de promotion avec des concours de nouvelles, dont l’un a révélé Carène Ponte, autrice d’Un merci de trop (Michel Lafon), et la création, en 2016, du prix Étoile. La distinction, qui fait la lumière sur des ouvrages passés inaperçus, a notamment porté Morgane Alvès avec Des ronds dans l’eau, récupérée par Flammarion en 2023. « Symboliquement, ça a signifié que l’auto-édition a toute sa place, y compris dans les grandes maisons littéraires », soutient Charlotte Allibert.
L’IA, un vivier à opportunités
À son vaste panel de services, Librinova a ajouté, en janvier dernier, le label « Création humaine », qui permet aux auteurs de labelliser leur œuvre lorsque celle-ci a été réalisée sans l’aide de l’intelligence artificielle. Plusieurs logiciels sont mobilisés pour passer le texte au crible et repérer les passages potentiellement concernés par une intervention technologique. « On pense que l’IA peut être un outil intéressant pour les auteurs, mais qu’il a un devoir de transparence vis-à-vis des lecteurs », ont déclaré les fondatrices.
D’après elles, le label devrait d’ailleurs s’étendre à l’image, en particulier pour les livres jeunesse. Mais leurs ambitions ne s’arrêtent pas là. Des livres audio auto-édités grâce aux voix de synthèse, un service de traduction moyennant un duo technologie-humain… les deux entrepreneures entendent bien exploiter les opportunités de l’IA, tout en continuant à gravir les sommets.