Avant-critique Récit

Gréco et moi. Il est, dans chaque vie ou presque, surtout chez les créateurs, de ces rencontres improbables, qui en modifient le cours. Ainsi, en 2009, quand Abd Al Malik (né Régis Fayette-Mikano à Paris en 1975, catholique converti à l'islam soufi après une jeunesse plutôt chaotique) fait la connaissance de Juliette Gréco via Gérard Jouannest, le pianiste et mari de la muse du Saint-Germain-des-Prés existentialiste de l'après-guerre, devenue une légende vivante. Il lui écrit quelques textes, modestement. Puis ils vont se revoir, retravailler ensemble, avoir de nombreuses conversations. Elle l'aide à devenir ce qu'il est, il l'invite sur la scène du Grand Rex, elle se raconte à lui. Jusqu'à sa mort, en 2020, dans sa maison de Ramatuelle, où elle s'était retirée et où il lui rendait fréquemment visite, le lien s'est maintenu, fraternel. Pour Juliette Gréco, le « hip hop [était] un existentialisme ». Pour Abd Al Malik, Juliette représentait une incarnation mystique de la liberté, qu'il rapproche de Rabi'a al-Adawiyya, une sainte et poétesse soufie du VIIIe siècle.

Une espèce de boucle se boucle ici, avec ce livre en forme d'hommage, parfois un peu tarabiscoté, « ampoulé » (c'est l'auteur qui le revendique), où, selon les chapitres, le « je » peut être lui-même ou Juliette en personne, à qui il fait raconter ses débuts, en 1949, puis sa rencontre, dans le Midi, avec Picasso, Prévert, Kosma... Histoire de rassembler quelques feuilles mortes, immortelles.

Abd Al Malik
Juliette
Robert Laffont
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 18 € ; 144 p.
ISBN: 9782221254240

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