Les députés ont adopté, en ce triste mois de janvier, en première lecture, une proposition de loi créant un nouveau délit dans le code pénal pour protéger le « secret des affaires ».
Une même idée avait déjà émergé en janvier 2012 et abouti au vote, en première lecture seulement, d’un texte aux mêmes desseins, avant que l’actualité n’ait poussé les parlementaires à d’autres chantiers.
Cette fois, la « violation du secret des affaires » sera punie d'une peine maximale de trois ans de prison et de 375 000 euros en sus des dommages-intérêts au profit de la partie civile.
En 2012, le rapporteur du premier texte, Bernard Carayon, avait précisé en séance que « Protéger le secret des affaires, c'est protéger des emplois, des technologies sensibles, des investissements, lutter contre la désindustrialisation et, dans certains cas, garantir nos indépendances dans les secteurs stratégiques ».
Il ne s’agit plus donc d’instaurer une sorte de cachet « Confidentiel » à appliquer officiellement sur les documents jugés importants par les entreprises. Jusqu’ici, en France, les indications de ce type n’ont en effet pas de véritable statut juridique.
Désormais, le texte dispose qu‘« Est protégée au titre du secret des affaires, indépendamment de son incorporation à un support, toute information :
« 1° Qui ne présente pas un caractère public en ce qu’elle n’est pas, en elle-même ou dans l’assemblage de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité traitant habituellement de ce genre d’information ;
« 2° Qui, notamment en ce qu’elle est dénuée de caractère public, s’analyse comme un élément à part entière du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur et revêt en conséquence une valeur économique ;
« 3° Qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables, compte tenu de sa valeur économique et des circonstances, pour en conserver le caractère non public. »
Rappelons que le secret des correspondances, prévu notamment à l’article 226-15 du Nouveau Code pénal, vise seulement le « fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances », y compris par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public.
Par ailleurs, il existait déjà un secret des affaires puisque l'article 10 de l’ordonnance du 28 septembre 1967, sanctionne l’utilisation abusive d’informations privilégiées.
La nouvelle disposition est cependant bien plus claire et coercitive, même s’il faut encore ciseler les modalités pratiques pour que les entreprises, en butte à la concurrence, puissent braver le déshonneur public qui consiste à arguer qu’elles ont été espionnées.
Il est prévu un article 35 visant à amender la loi du 20 juillet 1881, dite « sur la liberté de la presse », permettant aux journalistes de dénoncer des « infractions éventuellement commises par une entreprise ».
Restent la question des livres portant sur… les « affaires », la finance, les industries polluantes. Et celle, bien entendu, des lanceurs d’alertes, qui ne bénéficient en France d’aucun statut juridique spécifique.