Fondée en 1999 par la Société des gens de lettres (SGDL), rapidement rejointe par le Syndicat national de l'édition (SNE), pour répondre à l'harmonisation de la directive européenne sur le droit de prêt en bibliothèque, la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (Sofia) a élargi son champ de compétences à la perception et à la redistribution de la part affectée au livre dans la rémunération de la copie privée numérique et à la gestion des livres indisponibles du XXe siècle. Ces missions historiques permettent à cette société de gestion collective de prendre en charge une partie de la retraite complémentaire des auteurs et à financer des actions culturelles. Pour ses 20 ans, son président, Alain Absire, et son vice-président, Arnaud Robert, lancent plusieurs chantiers de modernisation.
Livres Hebdo : Quel bilan tirez-vous des vingt années d'existence de la Sofia ?
Arnaud Robert : La Sofia, dont le but premier est de percevoir des droits et de les répartir de la manière la plus efficace possible, est une société arrivée à maturité. Elle a développé ses missions et est devenue un acteur de la vie culturelle. Elle participe à la retraite complémentaire des auteurs et aux débats sur le droit d'auteur, sur les réformes et les évolutions qui affectent la filière du livre dans son ensemble. Comme elle regroupe les auteurs et les éditeurs, sa voix a une certaine légitimité. Le fait que la Sofia arrive à parler d'une seule voix alors qu'elle a deux types d'associés en son sein manifeste une orientation nouvelle et assez forte.
Alain Absire : Nous siégeons à égalité de membres au sein du conseil d'administration. Cet équilibre auteurs-éditeurs est fondamental pour garantir le poids de la Sofia et nous permette d'être entendus aussi bien au niveau intérieur qu'au niveau européen, où nous nous efforçons d'être présents. Nous allons, en l'occurrence, participer à la mission de Bruno Racine sur le statut social de l'auteur et nous avons une voix spécifique puisque notre objectif est de défendre les intérêts des deux partenaires qui sont, la plupart du temps, absolument liés.
Depuis dix ans, la Sofia finance aussi des actions culturelles. Comment ont évolué ces aides ?
A. A. : Au début de cette action culturelle, nous ne mesurions pas du tout l'importance qu'elle allait prendre. La loi prévoit que 25 % des sommes que nous percevons sur la copie privée numérique soient entièrement consacrées à l'action culturelle, à l'éducation artistique et à la formation des auteurs. Mais nous nous demandions si nous allions avoir assez de demandes et nous étions loin de nous douter que la copie privée numérique allait devenir la seconde jambe sur laquelle repose la Sofia. Nous en sommes à 337 dossiers aidés en 2018 pour pratiquement quatre millions d'euros, ce qui est absolument considérable.
Le site de dépôt de demandes d'aides a d'ailleurs dû fermer ses portes.
A. R. : Le site qui était configuré pour recevoir 100 demandes en reçoit maintenant 400 par an. La refonte du site a plusieurs objectifs. Il vise à faciliter le dépôt des dossiers mais aussi à faciliter leur traitement en interne. Ce nouveau site nous permettra de mieux qualifier nos actions et d'affiner notre connaissance des aides que nous attribuons, que ce soit sur les thématiques, la répartition géographique ou encore la rémunération des auteurs, afin de mieux les répartir.
Pourquoi avoir créé cette année le grand prix Sofia de l'Action culturelle ?
A. R. : Les porteurs de projet donnent du temps et beaucoup d'énergie depuis des années. Ce prix vise à reconnaître leur engagement, à distinguer cette énergie purement humaine qui se cache derrière ces projets.
A. A. : Le grand prix a pour objectif de mettre en avant des actions qui nous semblent particulièrement intéressantes, riches de contenus, porteuses de résultats dans différents domaines, mais aussi qui recoupent le mieux nos propres critères qui sont diversité des actions, indépendance éditoriale, défense du droit d'auteur, implication de la chaîne du livre et maillage du territoire. C'est aussi pour ces raisons que nous dotons le prix de la diffusion scientifique et que nous participons au grand prix des Bibliothèques et à celui des Librairies, créés par Livres Hebdo.
A. R. : Avec cette participation, nous voulons souligner que les libraires et les bibliothèques ne sont pas seulement redevables du droit de prêt. Ils ont aussi une fonction de promotion du livre qui participe à sa diffusion que nous voulons récompenser.
Cette année, vous réfléchissez également à la façon de réduire le délai de la redistribution.
A. R. : En 2018, nous avons distribué les droits liés aux ventes de 2016. Cela est lié à un délai technique car cela prend du temps de faire remonter les informations. Mais la mission première d'une société de gestion collective est de faire en sorte que les droits arrivent le plus vite possible. Nous voulons donc réduire le délai de redistribution d'un an. Mais avec deux contraintes : il faut que ce soit indolore tant pour ceux à qui on demande de l'argent, les fournisseurs de livres, que pour ceux qui sont en bout de chaîne et qui attendent la perception des droits, c'est-à-dire les auteurs et les éditeurs.
A. A. : Notre objectif est évidemment de ne pénaliser personne. Le processus n'est pas encore complètement au point, mais l'idée est d'avoir réglé cette question d'ici à deux ans.
Quels seront les autres axes de développement de la Sofia dans les prochains mois ?
A. R. : Nous sommes en train de développer un nouveau site de déclaration pour les libraires et les bibliothécaires pour que le processus soit plus facile et plus fluide pour eux. Ce site devrait être mis en place en 2020.
A. A. : Nous allons aussi mettre en place un nouveau site institutionnel qui va permettre aux auteurs, et aux ayants droit de manière générale, de pouvoir retrouver personnellement, et plus facilement, le niveau de leurs droits et les perceptions à recevoir.
A. R. : Enfin, nous allons essayer d'améliorer la clarté de nos informations en lançant une lettre trimestrielle à destination de nos adhérents. La Sofia est maintenant installée dans le paysage, avec des missions de plus grande portée qu'il faut améliorer et expliquer.