Coûteuses indiennes. Gaspard, 10 ans, est né en 1789 comme une certaine révolution. À Nantes, sa famille fabrique des indiennes, ces belles toiles imprimées achetées par de riches négociants et qui voyagent jusqu'en Afrique où elles servent de monnaie d'échange. À la maison, sa mère blanchit les tissus, son oncle les teint avec de la garance, du curcuma ou de la noix et son père sculpte avec des gouges et des burins les planches utilisées pour l'impression. Comme Gaspard est très curieux, il découvre un jour le pot aux roses. Derrière ce négoce florissant se cache une réalité sordide. Les indiennes s'échangent en fait contre des esclaves ! Cette découverte ne sera pas la seule. Sous couvert de son travail inavouable, le père façonne en secret des planches qui révèlent le revers de la médaille, l'odieux et cruel marchandage d'êtres humains. Quand Gaspard apprend la vérité, il se révolte à son tour en dessinant en bleu indigo un ami imaginaire qu'il prénomme Melchior et à qui il invente des vies dans le périple de l'esclavage. Cet album passionnant nous plonge dans le quotidien d'une famille d'ouvriers du XVIII^e siècle, obligée bien malgré elle de participer à un commerce odieux pour survivre. Les illustrations colorées et foisonnant de mille détails signées Charles Dutertre font merveille. Mais l'une d'entre elles impressionne particulièrement, celle de l'intérieur d'une cale de navire négrier où s'entassent des centaines d'esclaves parqués comme des bêtes et enchaînés aux chevilles. Irrespirable.