La forte médiatisation dont a bénéficié Amazon pour l'ouverture, au second semestre 2013, d'un centre logistique de 90 000 m2 dans le Nord-Pas-de-Calais, près de Douai, et surtout pour la création envisagée de 2 500 emplois en pics d'activité, a un goût amer pour les libraires. Comme ils l'avaient fait en juin, lorsque le site de commerce en ligne avait officialisé son implantation en Bourgogne (1), ils dénoncent la manipulation des chiffres en pointant la précarité d'un grand nombre de postes. "Qu'on arrête de nous faire croire que les emplois sont générés par les sites de vente en ligne et qu'on a besoin d'eux, s'insurge Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la libraire française (SLF). Le commerce physique est bien plus contributeur d'emplois." Surtout, les libraires dénoncent le comportement de leur principal concurrent, qui doit au fisc français 198 millions d'euros d'arriérés d'impôts, s'étonnant des différences de régime applicables aux uns et aux autres. "Il est frappant de constater qu'au moment où de grands groupes internationaux, comme Amazon, Google et Starbucks, développent des stratégies d'évasion fiscale, des commerces, déjà fragiles, comme les librairies, voient leur fiscalité s'alourdir dangereusement, observe Guillaume Husson. Nombre d'adhérents au SLF sont confrontés à des augmentations de leur contribution foncière, due au titre de la CET, pouvant aller jusqu'au quintuple de leur montant habituel. Pour certains, c'est l'équivalent de leur résultat qui est en jeu !"
Des subventions mises en cause
Dans ce contexte, les libraires s'interrogent sur le bien-fondé des aides publiques octroyées à Amazon lors de ses implantations. Alors que le géant américain devrait toucher dès cette année plus d'un million d'euros de subventions pour la création de 250 emplois en Bourgogne, des rendez-vous sont déjà programmés avec le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais afin de négocier le montant de nouvelles aides pour la création de CDI dans la région.
Face à une telle situation, le SLF réfléchit à de possibles actions, notamment de communication. En Grande-Bretagne, où Amazon est aussi accusé d'évasion fiscale, les libraires indépendants ont décidé, sous l'impulsion de la Booksellers Association, d'en appeler à la conscience civique des consommateurs en placardant sur leurs vitrines des affiches avec la mention "Can pay do pay ! We pay our taxes" (Vous pouvez payez, payez ! Nous, nous payons nos impôts).
(1) Voir LH 916 du 29.6.2012, p. 61.