Le purgatoire a été inventé au Moyen Age pour pallier la dureté du châtiment des flammes éternelles. Les théologiens estimaient que, entre la damnation infernale et le ciel, il existait une espèce d’entresol où le feu de la repentance pouvait vous racheter une âme présentable devant Dieu et vous donner accès au paradis. Le purgatoire est l’enfer light. Point autant de charité chez Chuck Palahniuk qui est de retour avec une nouvelle fiction, Le purgatoire, revisitant la notion de sursis pour mieux éprouver Madison, son héroïne ado hyper cynique, retrouvée mystérieusement morte à la fin de Damnés (Sonatine, 2014). L’obèse teenager, depuis l’enfer, avait bien prévenu ses richissimes parents qu’ils s’étaient trompés au sujet de l’athéisme : la vie après la mort existe bel et bien. Revenue à l’occasion d’une fête d’Halloween, "Maddie" découvre que le business man et son épouse shootée au Xanax se sont convertis à une nouvelle religion : le porcisme. Quésaco ? "C’est la mort de l’angst. Oubliez Nietzsche. Oubliez Sartre. L’existentialisme est mort. Dieu est ressuscité, et les gens possèdent le plan pour atteindre l’immortalité glorieuse. Dans le Porcisme, tous ceux qui ont abandonné la religion disposent désormais d’un chemin par lequel revenir à Dieu […] il n’y a qu’à voir leurs dégaines dégagées, patientes. A la lumière de ce salut tout neuf, la vie mortelle ressemble au dernier jour d’école."
Comme à son habitude, l’auteur de Fight club (Folio, 2013) assume totalement l’hyperbole de la violence, du sexe et du scatologique. Avec Le purgatoire, Palahniuk envoie Maddie sur les traces d’un meurtre des plus scabreux où plus elle avance dans l’enquête, plus elle se découvre impliquée dans l’affaire. Du Grand-Guignol à l’heure de Twitter. A l’instar de son compatriote l’artiste contemporain Paul McCarthy et ses mises en scène trash, avec des Pinocchio ou des personnages de Disney, c’est à coups de sang, sperme et autres excrétions que Chuck Palahniuk nous brosse le tableau d’une Amérique tout à la fois hyper matérialiste, fanatiquement religieuse et pornographique.
Sean J. Rose