Dans la famille Harari, demandez le frère. Après qu’Arthur, le cinéaste, a réalisé avec Diamant noir (2016) un premier long-métrage à la fois étonnant et parfaitement maîtrisé, Lucas propose à la rentrée une première bande dessinée tout aussi singulière, une sorte de thriller architectural qui impressionne et tient en haleine de bout en bout.
Né en 1990 à Paris, Lucas Harari a d’ailleurs entamé des études d’architecture avant de bifurquer vers l’école des Arts déco, dans la section image imprimée dont il est sorti en 2015. Dans L’aimant, il prend pour héros un jeune étudiant parisien en architecture, Pierre, que le sujet de thèse, les thermes de Vals, dans le canton des Grisons, en Suisse, un édifice remarquable conçu par l’architecte bâlois renommé, Peter Zumthor, lauréat du prix Pritzker 2009, fascine et obsède jusqu’à la folie. Alors qu’il a détruit son manuscrit au cours d’une bouffée délirante, Pierre décide de faire le voyage de Vals, cédant à une force d’attraction qui le dépasse. Entre pénibles somnolences et rencontres troublantes, le trajet de Pierre en train à travers la montagne enneigée, son échouage, au crépuscule dans une auberge isolée du bourg de Valser, évoquent l’arrivée d’un voyageur égaré dans les Carpates de Dracula. L’ambiance est posée avant que, tenant lieu de château, le bel édifice des thermes n’émerge de la nuit.
Attiré comme par un aimant, Pierre va tenter de l’explorer et de le dessiner sous toutes les coutures, et y faire des rencontres plus ou moins sympathiques. Il tente d’en découvrir le mystère, convaincu que l’œuvre de l’architecte recèle une porte dérobée, un secret.
Econome de ses couleurs, sourdes, Lucas Harari travaille les gris et les bleus, parfois relevés d’ocres, entre roses et orangés et bruns. Surtout, ne séparant ses cases que par un mince filet qui tantôt sépare, tantôt relie, il compose des pages à l’architecture soignée. Forcément. Fabrice Piault