26 avril > Essai France > Thibault Le Texier

Dans les années 1960, l’expérience de Milgram destinée à évaluer le degré d’obéissance d’un individu montre qu’il peut devenir un bourreau s’il est placé dans des conditions particulières. Comme un écho, elle a été suivie en 1971 par l’expérience dite de Stanford. Dans la célèbre université californienne, le professeur Philip Zimbardo demande à une vingtaine d’étudiants volontaires de jouer les rôles de gardiens et de prisonniers dans une fausse prison aménagée dans les sous-sols du département de psychologie. Au bout de six jours - au lieu des quinze prévus -, l’expérience est arrêtée. Les gardiens étaient devenus brutaux et les prisonniers dociles. Philip Zimbardo a mis en évidence "l’effet Lucifer".

Thibault Le Texier, chercheur en sciences sociales, conteste les conclusions de ces observations censées démontrer que les individus, dans certaines situations, finissent par faire le mal. Pire, il démonte ce qu’il appelle un mensonge, le protocole relevant plus d’Hollywood que de la science. Selon lui, cette expérience a été conçue par Zimbardo comme un outil médiatique. "Il a créé une fausse prison pour mieux dénoncer le vrai scandale des prisons." Sauf que ce pénitencier n’existe pas! Vouloir alors expliquer les génocides, les massacres ou les humiliations d’Abou Ghraib par l’expérience de Stanford s’avère délicat. Dans cette enquête millimétrée, dont à l’origine il voulait tirer un film, l’auteur du Maniement des hommes (La Découverte, 2016) montre les limites de la psychologie expérimentale avec son rapport paradoxal au réel qui cherche à illustrer des théories plutôt qu’à les déduire. Car si une fausse prison fabrique des tortionnaires en six jours, que produisent les vraies en plusieurs années? L. L.

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