Inventé par les Ptolémées, pharaons grecs d'Égypte, le Musée (Mouseîon) d'Alexandrie se voulait un établissement à la fois scientifique et artistique, dédié aux Muses, donc sacré. Le concept s'est développé ensuite de façon exponentielle (on recense aujourd'hui des centaines de milliers de musées partout dans le monde, dont plus de 4 000 en France), s'est adapté tout en conservant ses fondamentaux. À l'exception d'un seul, hélas : il n'est plus sacré. Les barbares de notre époque, qui ne respectent rien (les Bouddhas de Bâmiyân, l'antique Palmyre, Mossoul et tant d'autres sites en ont fait les frais), les considèrent comme hérétiques, inutiles et, surtout, ont commencé de les prendre pour cibles. Anne-Laure Béatrix consacre ainsi un nombre important d'entrées de son Dictionnaire amoureux à des musées pris dans la tourmente contemporaine : conflits − comme à Damas, où elle n'a jamais pu se rendre, devancée par la guerre civile déclarée en 2011 −, terrorisme islamiste − comme au Bardo de Tunis, merveille d'architecture, frappé par des assassins le 18 mars 2015. Bilan : vingt-quatre morts et quarante-six blessés. Elle s'y trouvait la veille, dans le cadre d'un partenariat avec le Louvre. Lorsqu'elle y est retournée l'année suivante, l'atmosphère avait bien changé. Partout, le vide et le silence. Mais depuis, la vie et l'art ont repris leurs droits. Comme au Musée national de Beyrouth, symbole d'un pays qui essaie de panser les plaies qu'il s'est infligées à lui-même. Et il y a aussi les vandales individuels qui s'en prennent aux œuvres exposées, déséquilibrés ou militants de n'importe quelle cause.

Mais tout n'est pas grave, heureusement, dans cet opus. Il y est traité du sublime Louvre Abu Dhabi, du fameux clip tourné en 2018 par Beyoncé et Jay-Z au Louvre (Anne-Laure Béatrix y a travaillé plus de dix ans, directrice de la communication, des relations extérieures, puis administratrice générale adjointe), de Papy fait de la résistance et son musée de l'Art gothique fictif, ou encore, parmi les petits musées farfelus, de celui du tire-bouchon, installé à Ménerbes par Yves Rousset-Rouard, ancien producteur de cinéma, pomelkophile et viticulteur. Il produit sur place un côtes-du-Luberon racé, La Citadelle. À fréquenter avec modération, bien sûr, pas comme nos musées. Anne-Laure Béatrix nous y invite, avec une passion communicative.