Je me souviens de mon premier Francfort il y a plus de trente ans. Je me souviens d’avoir cherché conseil auprès de mes consœurs d’autres maisons et qu’Ania Chevallier, qui avait déjà une longue expérience, me racontait avec nostalgie l’époque où elle emportait sa guitare et chantait en fin de journée des chants russes avec ses confrères étrangers, et où Umberto Eco arrivait la veille du premier jour avec son marteau pour participer au montage du stand Bompiani. Je me souviens quand la foire commençait vraiment le premier jour (pas trois jours avant, dans les hôtels avoisinants) et que nous allions à l’Opéra le dimanche soir car nous travaillions encore le lundi suivant. Je me souviens des grosses dames qui poussaient des chariots dans les allées en criant "Zigaren ! Zigaretten !" Je me souviens des élégants dîners dans les salons du Frankfurter Hof où nous étions servis à table - depuis longtemps remplacés par de simples cocktails. Je me souviens qu’une grande dame de l’édition américaine, qui ne mettait pas les pieds à la foire, n’accordait ses rendez-vous que dans sa suite du même Frankfurter Hof, où tout le monde se retrouvait après minuit dans le lobby pour partager un dernier verre. Je me souviens… que notre passion d’alors pour parler d’un livre était la même qu’aujourd’hui, heureux que ce rendez-vous annuel de confrères de tous les coins du monde soit la promesse - parfois tenue, parfois perdue, mais jamais vaine - d’une "vie autre" pour les livres de nos auteurs en leur faisant traverser les frontières. C’était exaltant. Ça l’est toujours. P. L.

06.10 2017

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