Prix littéraire

Après la fin des prix Orange du livre, le monde littéraire mobilisé

La Fondation Orange met un terme à ses prix littéraires

Après la fin des prix Orange du livre, le monde littéraire mobilisé

L’annonce de la disparition des trois prix Orange du livre n’en finit pas de faire réagir les acteurs du monde littéraire, qui espèrent leur reprise par un nouveau mécène. Une tribune parue dans Le Point appelle les entreprises françaises à soutenir le livre et la lecture.

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Par Charles Knappek
Créé le 14.10.2024 à 12h15

C’est la fin d’une époque. Officialisée en catimini début octobre par la Fondation Orange, la fin du prix Orange du livre, du prix Orange du livre en Afrique (POLA) et du prix Orange de la BD a surpris. La manière de procéder n’y est pas étrangère : les membres des différents jurys n’ont pas été préalablement informés de la décision, pas plus que les collectifs locaux africains qui se chargeaient de présélectionner les œuvres en lice pour le POLA.

À l’origine de cette décision on trouve la nouvelle déléguée générale de la fondation Orange, Hafida Guenfoud. Entrée en fonction en juillet 2023, la dirigeante a décidé de réorienter le soutien de la Fondation Orange vers le monde de la musique, coupant ainsi les financements dont bénéficiaient le livre.

Depuis 2019, le Prix Orange du Livre en Afrique œuvrait pour la promotion des talents littéraires africains et de l’édition locale africaine. Pour sa 6e édition en 2024, quelque 39 romans avaient été proposés par 27 maisons d’édition basées dans 15 pays d’Afrique francophone. Le jury, présidé par Véronique Tadjo, avait récompensé Dibakana Mankessi pour son roman Le Psychanalyste de Brazzaville, paru aux éditions Les Lettres mouchetées, basées au Congo Brazzaville.

Une institution dans le paysage littéraire francophone africain

Ce prix littéraire novateur était devenu une institution dans le paysage littéraire francophone en Afrique, générant un véritable engouement chez les écrivains aussi bien que chez les éditeurs en ce qu’il permettait de primer un auteur et son éditeur/éditrice, tous les deux issus du continent.

Le POLA était aussi accompagné d'ateliers de formation au niveau de l'édition et de la critique littéraire tandis que ses comités de lecture répartis dans cinq ou six pays africains menaient un important travail de défrichage afin d'arriver à un choix de cinq ouvrages destinés aux membres du jury, écrivains, journalistes et bibliothécaires.

Jointe par Livres Hebdo, Véronique Tadjo déplore le manque de communication de la Fondation Orange. « L'arrêt du prix ne nous a pas été annoncé formellement, indique-t-elle. La nouvelle direction de la Fondation Orange n'a pas approché le jury. Aucun préavis, aucun remerciement. Ce n'est que tout récemment, alors que la date de l'appel à candidature auprès des éditeurs africains était largement dépassée que nous avons eu un bref échange de mails. Nous avons été mis devant un fait accompli. »

Manque de communication

Ce manque de communication a aussi prévalu s’agissant des deux autres prix. Pas plus que les autres personnalités engagées dans les prix Orange du livre, Jean-Christophe Rufin, qui en préside pourtant le jury depuis 2016, n’a été informé de la décision de la Fondation. « Nous savions depuis l’arrivée de la nouvelle équipe qu’il était question de mettre un terme à l’engagement, mais c’est la manière de procéder qui nous a surpris », confie-t-il à Livres Hebdo.

Créé en 2009 par la Fondation Orange et doté de 15 000 euros, le prix Orange du livre avait pour vocation de « mettre en lumière les romans les plus marquants de la rentrée de janvier et de donner une visibilité aux talents émergents ». Il faisait l’objet d’une présélection par une jury de professionnels du livre avant d’être soumis au vote des internautes via le site lecteurs.com, associé à la Fondation Orange et lui aussi appelé à disparaître prochainement. Cette année sa lauréate était Marianne Jaeglé, récompensée pour L’ami du Prince (L’Arpenteur).

Appel à soutien

Enfin, un prix Orange de la BD avait été lancé en 2020, remporté cette année par Clarisse Crémer et Maud Bénézit pour J’y vais mais j’ai peur (Delcourt).

Face à ce qu’il considère comme un mauvais signal pour le monde du livre, Jean-Christophe Rufin rappelle que l’engagement de la Fondation Orange représentait un symbole fort : « Dans une période où toutes les études montrent que les jeunes se détournent des livres, l’implication de la première entreprise française du numérique en faveur de la littérature montrait bien que technologie et livre ont toutes les raisons d’être associées. »

Raison pour laquelle avec Erik Orsenna (qui fut premier président du jury du prix du livre Orange de 2009 à 2015, et Véronique Tadjo, il a cosigné dans Le Point une tribune intitulée « Il faut que les grandes entreprises françaises soutiennent le livre et la lecture ! »

« J’espère encore qu’Orange reviendra sur sa décision, insiste Jean-Christophe Rufin. Il n’est pas nécessaire d’opposer musique et littérature et la Fondation Orange a largement les moyens de soutenir les deux. » L’académicien se dit d’ailleurs prêt à renoncer à la présidence du jury. « Au-delà des personnes, l’important est que les prix continuent d’exister », conclut-il.

Contactée par Livres Hebdo, la Fondation Orange n’a pas répondu à nos sollicitations.

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