Pendant un peu plus d'une heure et devant plus de 150 professionnels du monde entier, le patron du cinquième groupe d'édition mondial (hors groupes d'édition professionnelle) a répondu aux questions du modérateur, Rüdiger Wischenbart, et aux journalistes de Publishers Weekly (Etats-Unis), Bookdao (Chine), The Bookseller (Royaume-Uni), Buchreport (Allemagne), PublishNews (Brésil) et Livres Hebdo, évoquant aussi bien les perspectives de croissance d'Hachette Livre sur les marchés étrangers que sa position sur l'autoédition ou sur l'évolution des ventes livres numériques.
Priorité à l'anglais et à l'espagnol
Interrogé sur l'ADN d'Hachette Livre, qui s'est internationalisé depuis son arrivée à la tête du groupe en 2003, Arnaud Nourry a réaffirmé l'identité d'Hachette, "la maison la plus ancienne encore existante en France", tout en reconnaissant que le groupe publiait aujourd'hui "plus de livres en anglais".
Questionné par Benedicte Page, du Bookseller, sur un éventuelle croissance externe du groupe, Arnaud Nourry a expliqué qu'il n'y aurait pas de grosse acquisition en France dans l'immédiat en raison de la taille déjà atteinte par le groupe, mais qu'il espérait se développer sur les marchés de langues anglaise et espagnole. "Nous ne nous positionnerons pas sur le marché américain de l'éducation, très concentré autour de trois gros acteurs", a-t-il cependant précisé.
Le P-DG d'Hachette Livre a également réaffirmé, au cours de ce "CEO Talk", sa volonté de maintenir un certain contrôle sur le prix du livre, évoquant brièvement dans la foulée son différend avec Amazon, en 2014, mais refusant d'entrer dans le détail des négociations qui ont abouti il y a un an.
Défendre le droit d'auteur
Tandis qu'Andrew Albanese, de Publishers Weekly lui demandait son interprétation de la chute du marché du ebook aux Etats-Unis, et le relatif redémarrage du livre imprimé, Arnaud Nourry a expliqué que la population acheteuse de ebooks, et donc grosse lectrice, était, selon lui, arrivée à saturation : "Les gens ne lisent pas plus", a-t-il déploré. Interrogé par Fabrice Piault (Livres Hebdo) sur les tentatives actuelles de remise en cause des règles du droit d'auteur, il a souligné que "personne n'avait pu démontrer en quoi la révolution numérique impliquait une révision du droit d'auteur", et s'est étonné que la Commission européenne ne défende pas plus l'industrie européenne de l'édition face aux géants américains du numérique.
La thématique du prix unique du livre a ensuite été abordée et, alors que Livres Hebdo lui demandait si sa position sur le meilleur modèle économique pour le livre avait évolué puisque son groupe agissait dans un contexte de prix fixe en France ou en Allemagne, mais ne se portait pas plus mal sur les marchés anglo-saxons, ou le prix est libre, Arnaud Nourry a reconnu dans un sourire qu'il était "en train de devenir un peu schizophrène". Le P-DG d'Hachette Livre indique qu'il défend le prix unique du livre quand il est en France tout en se pliant aux règles en vigueur à l'étranger.
"L'autoédition, c'est le contraire de ce que je fais"
La question du développement de l'autoédition, facilitée par la révolution numérique, s'est, elle, invitée dans une question de Thomas Wilking (Buchreport). "L'autoédition, c'est le contraire de ce que je fais, a répliqué Arnaud Nourry. Notre travail d'éditeur consiste à recevoir des projets, et à effectuer une sélection, pas à publier tout ce qui s'écrit. Il est en effet devenu très facile aujourd'hui de s'autopublier, mais dans la majorité des cas ce sont des auteurs qui n'ont pas réussi à être publiés par le circuit classique. Même s'il y a évidemment des exceptions."
Enfin, Carlo Carrenho (PublishNews Brazil) et Any Zhu (Bookdao) se sont intéressés à la stratégie d'Hachette Livre sur les marchés émergents. Au sujet du marché brésilien, sur lequel Hachette Livre n'est pas implanté, Arnaud Nourry a promis : "Dans cinq ans, nous serons présents au Brésil. Je crois que c'est l'un des marchés les plus attractifs pour le livre." Il a expliqué que la langue arabe était également l'objet de toute son attention et qu'il lui semblait essentiel, en dépit des difficultés, de continuer à investir avec son partenaire, le groupe libanais Antoine avec qui il a créé la joint-venture Hachette-Antoine en 2009, pour toucher un bassin de plusieurs centaines de millions d'arabophones. "Dans 15 à 20 ans, ce sera un marché important, a-t-il assuré. Je travaille pour mes successeurs."
En Russie, où Hachette détient 49 % d'Azbooka-Atticus, Arnaud Nourry veut contribuer l'émergence d'un important deuxième groupe sur le marché. En Chine, a-t-il estimé, malgré de beaux succès depuis la création de la joint-venture Hachette-Phoenix avec le groupe chinois Phoenix il y a six ans, le marché est encore peu développé, même s'il est appelé à devenir le plus important au monde.