À l’origine, un libraire grenoblois, Jules Rey, qui commence à publier vers 1870 des livres de montagne, et crée sa maison d’édition en 1882, spécialisée dans l’alpinisme et les guides de tourisme. En 1924, Benjamin Arthaud, cousin du fondateur, rachète la maison, lui donne son nom et la transporte à Paris, au 6, rue de Mézières, tout près de Saint-Sulpice. Il poursuit sur la même lancée, avec la mythique collection « Sempervivum », dirigée par Félix Germain, qui accueille les alpinistes Walter Bonatti, Roger Frison-Roche, ou encore Maurice Herzog, dont Annapurna, premier 8 000 fut un indémodable best-seller.
Il publie également des documents d’actualité, comme, en 1945, L’enfer de Treblinka, de Vassily Grossman. Dans les années 1960, les enfants de Benjamin Arthaud prennent le relais. Claude, la fille, se lance dans les livres d’art, créant notamment la fameuse collection « Les grandes civilisations », sommes largement illustrées, où signent les plus grands historiens du XXe siècle : Pierre Chaunu, Jean Delumeau, Albert Soboul, Pierre Grimal, François Chamoux… Jacques, le fils, se spécialise dans les livres de mer, publiant Éric Tabarly, Bernard Moitessier, ou encore sa propre fille, Florence. Enfin, en 1977, Arthaud est racheté par Flammarion, qui recentre la production sur les guides. « La maison se redéploiera au début des années 2000, retrouvant une identité forte », précise Valérie Dumeige, qui la dirige depuis 2012.
Cultiver les fondamentaux
Aujourd’hui, tout en continuant de cultiver ses fondamentaux : la montagne (avec la collection « Versant intime », dirigée par Fabrice Lardreau, sur le rapport qu’entretient un écrivain, comme Michel Butor, Chantal Thomas, ou Jean-Christophe Rufin, avec les cimes), la mer, l’édition en classiques de tous ses auteurs emblématiques et de quelques grands voyageurs du passé, comme Pierre Loti ou Joseph Kessel, Arthaud publie aussi des écrivains-voyageurs vivants, français et étrangers (comme le Triestin Paolo Rumiz), des enquêtes, des reportages, des romans, ou encore des atlas illustrés poétiques, avec un regard sur le monde joliment décalé, signés Francis Hallé, Gilles Lapouge ou Emmanuelle Pouydebat, qui sont traduits dans une vingtaine de pays.
« Notre ADN, conclut la directrice, journaliste formée au CFJ, puis créatrice des éditions Cosmopole avant d’entrer chez Arthaud, c’est parcourir le monde, regarder, questionner, analyser le monde, explorer tous les horizons ».
Florence Arthaud, Kilian Jornet et Nicolas Legendre
Parmi les succès récents, à côté du best-seller absolu Cette nuit la mer est noire, de Florence Arthaud (paru en 2015, 50 000 ex. vendus), on relève les récits de l’ultra-trailer Kilian Jornet, Silence dans les champs, le document « écolo » du journaliste Nicolas Legendre, prix Albert-Londres 2023, ou encore les titres de la féministe anglaise Annabel Abbs, Méfiez-vous des femmes qui marchent (2021), et Méfiez-vous des femmes insomniaques, paru en septembre dernier.
Arthaud, c’est trois salariés : Valérie Dumeige, Karine Dovale (éditrice), Vivien Boyer (responsable communication, partenariats, et éditeur), 30 titres par an, et 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pour célébrer dignement son centenaire, la maison publie, en novembre, trois grands classiques enrichis d’inédits : La longue route, de Bernard Moitessier, accompagné d’un carnet de bord inédit où il raconte son voyage à l’Ile Maurice (et son naufrage !), en 1952 ; En voyage, de Jules Verne, carnets illustrés inédits dont se sont nourris ses romans ; et Premier de cordée, le fameux roman de Roger Frison-Roche, illustré de photos personnelles... Dans notre monde de plus en plus complexe et virtuel, l’aventure vécue et partagée dans des livres n’a jamais été aussi nécessaire.