Dans un communiqué daté du 19 décembre, l’association Alsace bande dessinée (ABD), organisatrice de la manifestation, regrette le départ d’un "ami cher" qui "donnait sans limite autour de lui". Son fondateur, Lionel Wurms, proche et collègue de Bartek, raconte leur relation, et lance un appel à hommages.
Livres Hebdo: Quel hommage comptez-vous rendre à Bartek ?
Lionel Wurms: Avec l’ABD, nous lançons un cri, un appel national et international pour rendre hommage à Bartek et aux autres victimes des attentats. A tous ceux qui peuvent tenir un crayon, avec ou sans talent, de toutes convictions, de toutes religions et de toutes origines, nous proposons qu’ils créent un strip, une BD ou même un simple dessin pour exprimer notre haine de la haine. Lors du prochain festival Strasbulles, ces œuvres feront l’objet d’une exposition hommage. Un prix "Bartek" récompensera la réalisation qui aura le mieux exprimé l’aspiration de notre société à la paix et à la tolérance.
LH: Comment l’avez-vous rencontré ?
LW: Nous avons fait connaissance dans le milieu associatif strasbourgeois autour de 2007. Il était, entre autres, président d’une association de transfrontaliers qui aide et accueille les personnes de toute nationalité qui souhaiteraient s’installer dans la région. De mon côté, je venais de créer ABD et le festival Strasbulles. Il avait 25 ans, et déjà il était dans cette optique de tendre la main aux autres, de façon désintéressée, sans égard pour une quelconque carrière ou position sociale. Bartek était discret et donnait de son temps sans espérer de rétribution. Il prenait peu de place, mais en même temps, il en occupait une grande. A partir du moment où il a été hospitalisé, sa chambre n’a pas désempli d’amis venus lui présenter leurs derniers hommages.
LH: Comment avez-vous été amenés à travailler ensemble ?
LW: J’ai créé Strasbulles avec l’intention d’en faire un carrefour européen de la BD, à la différence d’autres salons. Je voulais qu’il soit un lieu de rencontre et d’échanges entre différentes cultures. A l’époque, Bartek était également investi dans une association de polonais strasbourgeois. Il s’est intéressé au festival parce qu’il correspondait à sa vocation européenne.
Il m’a alors proposé de se déplacer au festival international de bande dessinée de Lodz pour tenter de convier des auteurs polonais à Strasbulles. Il était jeune, enthousiaste, je l’ai pris pour une tête brûlée. Il est néanmoins parti avec son bâton de pèlerin, et l’édition suivante, nous avions un groupe d’une vingtaine d’invités issu du secteur de la bande dessinée polonaise – il avait brillamment réussi.
Il a ensuite continué à endosser ce rôle de gestionnaire des relations internationales. Il allait en Italie, en Espagne, partout en Europe, il rencontrait des consuls… Il contribuait à créer des rencontres, à mêler les savoirs. La BD était devenue pour lui une façon de montrer son intérêt pour l’autre. Il cherchait au travers de l’image un mode d’expression différent du langage, une façon de communiquer et de partager autrement la spécificité de chacun. Il soutenait les petits auteurs, français ou étrangers, ceux qui proposaient quelque chose d’original et qui n’ont pas beaucoup de moyens. Il les hébergeait souvent chez lui. Son appartement était devenu une véritable auberge espagnole.
LH: Cet engagement international semblait refléter sa vision du monde.
LW: La variété des cultures le fascinait. La différence était pour lui une richesse. Bartek était un vrai européen, plus que la plupart des députés européens. Il agissait, à son petit niveau, mais il agissait, pour que le monde associatif vive, pour que des liens se créent. Il était vraiment dans tous les coups. Dès qu’un projet se montait, il répondait présent pour apporter son aide. Il montait des actions en faveur de la Palestine et des LGBT, intervenait dans une radio locale et pour l'association Musique pour la paix, et plus largement s'engageait pour toutes les causes qui le touchaient, pour une société sans terreur. Son grand rêve était d’accueillir des artistes, des auteurs et tous ceux qui le souhaiteraient dans une grande auberge multiculturelle, multi-ethnique. Il cherchait des espaces suffisamment grands pour accueillir tout le monde et créer un lieu de rencontre et de métissage. Il voulait rassembler, tout simplement.