ÉDITO par Fabrice Piault, rédacteur en chef adjoint

Photo OLIVIER DION

François Weyergans est un bon client. Pour la presse, certes ; mais aussi et surtout pour les librairies françaises. S'il partait demain pour l'Inde comme le héros de son nouveau roman, à paraître à la fin du mois chez Julliard, en exprime le désir, ce sont elles qui lui manqueraient, "les tables de nouveautés et les rayonnages avec tout ce que je n'ai pas encore lu ni feuilleté". Malheureusement, en ces temps de crise et d'incertitudes, les bons clients comme l'auteur de Mémoire pleine se font plus rares. Et voici les libraires trivialement renvoyés aux fondamentaux de leur métier : vendre, c'est-à-dire éveiller la curiosité du badaud, le transformer en chaland, le conseiller pour remplir son cabas et plus tard... sa mémoire.

Chercher le client là où il est comme la Concarnoise Mari-Maël Tanneau, qui quitte volontiers sa librairie pour écumer les marchés, les salons, les écoles et les bibliothèques ou organiser des réunions "Tupperware". L'aborder à la manière d'un médecin comme, à Clermont-Ferrand, le "Dr House de la vente", François Andrieux. S'efforcer avant tout de lui faire plaisir comme Rachel Guitton à Rennes. C'est tout un art que décrivent dans nos colonnes des libraires passionnés tel Patrick Boismoreau qui, à Orléans, "y met les tripes" et "une pointe d'humour", tout en suivant, calepin en main, une méthode d'une scientificité qui force le respect.

A 9 700 kilomètres de chez nous, les écrivains japonais, qui seront à la mi-mars les invités du Salon du livre de Paris, n'ont pas peur non plus de prendre la réalité à bras-le-corps, fût-elle catastrophique. Si l'on en croit l'agente et traductrice Corinne Quentin, qui a bien voulu analyser pour Livres Hebdo les évolutions de la littérature japonaise, ils n'hésitent pas le cas échéant à changer de point de vue sur le monde. Et de citer Haruki Murakami pour qui "les spécialistes des mots, c'est-à-dire nous, écrivains professionnels, doivent proposer de participer à certains travaux. Nous devons relier nouvelle éthique et nouveaux modèles à de nouveaux mots". Un beau défi.

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