Ils s'appellent Ti gars, Banane, Tao, Birdy, Reiko ou Luna et font leur petit effet lorsqu'ils débarquent dans les médiathèques. Elles sont de plus en plus nombreuses à organiser des activités avec ces chiens, chats ou lapins à des fins thérapeutiques, éducatives et sociales, plus seulement cantonnées au secteur médical. À Pavant (Aisne), Hauville (Eure), L'Isle-Jourdain (Gers)... La bibliothèque de Coulonges-sur-l'Autize (Deux-Sèvres) a, elle, un jour recueilli un chat, et selon les dires de la bibliothécaire, « il était très connu et apprécié par la population ! »
Dans la médiathèque de la Vallée de Munster (Haut-Rhin), les animations mensuelles « Lire avec le chien » de cet hiver étaient complètes depuis septembre. « Certains enfants disent ne pas aimer lire car ils sont en difficulté avec la lecture. Mais ils sont fiers de lire avec le chien et progressent à force de venir tous les mois », observe la responsable Léa Hillebrand. Des animations ouvertes à tout public, notamment aux adultes handicapés.
Marion Remazeilles a eu un déclic lorsqu'elle a adopté son cabot. « J'avais envie qu'il vienne avec moi au travail, pour qu'il apporte aux autres ce qu'il m'apportait à moi, et notamment aux enfants dont les parents ne souhaitent pas avoir d'animal », se remémore la médiathécaire jeunesse de Biscarrosse (Landes) et jeune médiatrice par l'animal. Deux casquettes assez proches : « Dans le livre comme avec les animaux, on peut trouver des amis, du réconfort, une aide pour débloquer des situations, la peur de lire, par exemple. »
Lire à voix haute pour se faire entendre
C'est l'intérêt de ces animations durant lesquelles l'enfant lit en tête à tête une histoire à l'animal, dans un cadre précis. « On crée un lieu à l'écart, une bulle où l'enfant est en confiance avec le chien », décrit France Seid, intervenante en médiation par l'animal et institutrice à temps partiel en maternelle. Elle rappelle que lire à haute voix permet de développer le langage en actionnant des mécanismes cérébraux que ne mobilise pas la lecture silencieuse. « Cela aide ensuite les enfants à oraliser leurs pensées et oser se faire entendre », poursuit celle qui a démarché la bibliothèque de Binche et la librairie jeunesse Florilège, à Mons (Belgique).
La séance d'une heure quinze comprend les salutations à l'animal et quinze minutes de lecture pour quatre enfants, à raison de dix euros par participant. À la Maison de Toutou (Eure-et-Loir), compter 60 € l'heure et demie. Ces médiatrices, qui ont au préalable validé leur Programme d'éducation à la connaissance du chien et au risque d'accident par morsure (Peccram), ont toutes les trois suivi la formation « Lire avec le chien » de Chantal Hazard, qui a déposé cette marque après s'être formée aux États-Unis.
Mais on peut tout aussi bien se contenter de caresses, comme dans les bibliothèques universitaires d'Angers (Maine-et-Loire) ou à l'Université de Montréal. Mais pas pendant les périodes d'examens : « Nous craignons que faire la zoo-animation (qui amène quand même son lot de perturbations en bibliothèques) en plein cœur des semaines d'examens risque de déplaire aux étudiants qui cherchent la tranquillité en cette période », justifie la directrice québécoise Nathalie Bélanger, qui a eu affaire à une seule résistance : « Certains bibliothécaires s'étonnaient que nous offrions de telles activités dans des bibliothèques universitaires. Mais la plupart de ces résistances sont tombées face au succès de ces activités. » Elles attirent jusqu'à 200 participants sur les pauses déjeuner.
Faciliter les interactions
La médiathèque de Blois (Loir-et-Cher) a carrément intégré dans son équipe une caniche royale - race réputée auprès des allergiques pour perdre peu ses poils -, à l'origine confiée par l'association -Handi'chien à une référente qui l'a éduquée pour devenir chien d'accompagnement social, en Ehpad ou à l'hôpital par exemple. Mais quand sa référente est devenue bibliothécaire jeunesse, Plume l'a suivie. Quid des cynophobes ? « Certains enfants sont au départ craintifs. Mais ce chien est rassurant, éduqué à rester calme. Il facilite les interactions humaines, entre collègues aussi. L'animal suscite la pondération, fait ressortir notre sensibilité », remarque la directrice des bibliothèques de la communauté d'agglomération de Blois, Marie-Jeanne Boistard.
« Amener mes chiens au travail a amélioré la qualité de vie de mes collègues et occasionné des conversations avec tout le monde, des personnes qui font le ménage, aux usagers », rejoint Marion Remazeilles. De quoi faire penser à deux des missions inscrites dans le Manifeste Ifla-Unesco 2022 : « Créer et renforcer les habitudes de lecture chez les enfants » et « offrir des possibilités de développement créatif personnel, stimuler l'imagination, la créativité, la curiosité et l'empathie ». Des missions qui ont du chien.