Article publié dans le cadre d'un partenariat avec le média ukrainien Chytomo. La publication originale d'Iryna Baturevych est à retrouver à cette adresse.
Depuis le début de l’année 2025, les infrastructures culturelles ukrainiennes subissent de lourds dommages.
Le 1ᵉʳ janvier, une frappe de missile russe a touché les locaux de l’Union nationale des écrivains d’Ukraine, situés rue Bankova à Kiev. Moins d’un mois plus tard, le 31 janvier, un missile balistique russe a frappé le centre d’Odessa, endommageant une antenne du Musée littéraire d’Odessa, autrefois connu sous le nom de Musée littéraire mémorial Oleksandr Pouchkine.
Dans la nuit du 28 février au 1ᵉʳ mars, de nouveaux bombardements ont ciblé trois districts de Kharkiv, causant des dégâts considérables aux librairies des chaînes Knygoland et Family Leisure Club (KSD), ainsi qu’à l’imprimerie Triada-Pak.
Des librairies frappées à plusieurs reprises
Le directeur de la chaîne Knygoland, Ihor Zarudko, décrit l’ampleur des dégâts : « Lors d’une attaque massive de drones Shahed sur Kharkiv le 28 février, l’onde de choc a gravement endommagé l’une de nos librairies : les vitrines ont volé en éclats, une partie du plafond s’est effondrée et de nombreux livres ont été détruits. Une autre librairie Knygoland, située dans un autre quartier, a également subi des dommages : des étagères et des ouvrages sont tombés sous la violence du souffle. Nous nettoyons et poursuivons notre activité malgré tout ».
Il ajoute que de nombreux ouvrages devront être jetés, des éclats de verre s’étant incrustés dans les pages.
Selon lui, ces frappes s’inscrivent dans une stratégie délibérée de destruction des institutions culturelles ukrainiennes : « La Russie cible sciemment les librairies, les imprimeries, les bibliothèques et autres lieux culturels, car ils jouent un rôle essentiel non seulement dans le développement de l’éducation et de la culture, mais aussi dans le renforcement de l’identité nationale ».
Depuis 2022, les librairies Knygoland ont déjà été touchées à six reprises par des frappes russes.
Une imprimerie dévastée
L’imprimerie Triada-Pak a également subi de lourdes pertes : fenêtres soufflées, toiture endommagée, bureaux et équipements touchés. Des stocks de matériaux d’impression ont été détruits, mais heureusement, aucun employé n’a été blessé.
Face à ces destructions, l’imprimerie appelle, sur ses réseaux sociaux, les lecteurs à soutenir l'industrie du livre : « Visitez les librairies, achetez des livres ukrainiens : ils préservent notre culture et notre résilience. Ensemble, nous sommes forts ! ». Elle encourage aussi à soutenir les éditeurs partenaires tels que Ranok, Fabula, The Old Lion Publishing House, A-BA-BA-HA-LA-MA-HA, Vivat et d’autres.
Le média Suspilne rapporte que la librairie KSD de Kharkiv a également été touchée, et selon le procureur régional, 12 personnes ont été blessées lors de cette attaque.
Un patrimoine culturel en péril
Ces nouvelles destructions s’ajoutent à une liste déjà longue de frappes visant l’industrie du livre en Ukraine. En 2023, l’attaque contre l’imprimerie Factor Druk avait déjà causé des dégâts considérables. Depuis le début du conflit, plusieurs infrastructures stratégiques ont été ciblées, notamment Unisoft et l’imprimerie Hurov & Co. En juillet 2022, la Maison de l’impression avait été presque entièrement détruite, tout comme le centre logistique de l’éditeur Ranok.
Selon le ministère ukrainien de la Culture, 2 205 infrastructures culturelles ont été détruites ou endommagées depuis le 24 février 2022, dont 790 bibliothèques. La région de Kharkiv est la plus touchée, avec 325 sites culturels endommagés. Si l’Ukraine résiste, son patrimoine culturel paie un lourd tribut à la guerre.
