"Une librairie idéale ou, du moins, un de ses aspects." C’est ainsi que Dominique Bourgois décrit le catalogue des éditions Christian Bourgois, du nom de son fondateur, décédé en 2007. Depuis lors, c’est elle qui tient seule les rênes de cette maison lancée par son mari en 1966 au sein des Presses de la Cité, et devenue indépendante en 1992. En cinquante ans, les éditions Christian Bourgois se sont taillé une solide réputation. Célèbres pour être devenues dès 1972 l’éditeur français de J. R. R. Tolkien, elles se sont aussi illustrées par la publication en 1989 des Versets sataniques alors même que son auteur, Salman Rushdie, était menacé de mort par une fatwa.
Bien que ne pratiquant pas les langues étrangères, Christian Bourgois s’est tout au long de sa carrière intéressé à ce qu’il appelait les "littératures autres", "expression que je préfère de loin à celle de "littératures étrangères", beaucoup trop excluante, dévalorisante", écrivait-il dans son discours de réception du prix de l’Editeur de l’année, en 2007, à la Foire du livre de Guadalajara. Celles-ci ont structuré son catalogue où se côtoient des grands noms de la littérature anglo-saxonne - Virginia Woolf, Raymond Chandler, Toni Morrison - mais aussi Enrique Vila-Matas, Roberto Bolaño, Peter Handke et quelques Français comme Boris Vian ou Georges Lavaudant.
Eclectique, le catalogue Bourgois n’en est pas moins cohérent et s’inscrit dans une logique de continuité. "Une de mes plus grandes satisfactions d’éditeur est de constater dans mon catalogue la présence régulière et répétée d’un auteur", écrivait encore Christian Bourgois. Depuis sa disparition, Dominique Bourgois, qui fut sa collaboratrice dès le début des années 1970, est P-DG de la maison et s’attache avec fidélité à perpétuer ce travail éditorial. Sur la petite cinquantaine de titres à paraître en 2016, on retrouvera, aux côtés de nouveaux arrivants comme l’Argentin Julian Lopez qui signe son premier roman, de nombreux familiers de la maison : Bernard Comment, Ernst Jünger, Linda Lê, António Lobo Antunes…
Dominique Bourgois ne s’en cache pas, les temps sont durs et "l’année 2015 a été difficile". Mais, poursuit-elle, "il faut rendre grâce à Jack Lang et à la loi de 1981 sans laquelle il nous serait plus difficile de durer". Dans l’avenir, elle souhaite "pouvoir toujours trouver des lecteurs pour [leurs] auteurs" et garder intacte l’âme de la maison. Cette dernière, qui compte 6 salariés, se prépare à fêter un demi-siècle d’existence. Pour l’occasion, elle publie début février un catalogue "conçu comme un outil pour les libraires" et organise le 8 février au théâtre de l’Odéon à Paris une soirée anniversaire au cours de laquelle seront lus des textes des auteurs du catalogue.