16 juin > Correspondance France

Grâce à Aube Breton-Elléouët, la fille que l’écrivain eut avec sa deuxième épouse, Jacqueline Lamba, on va bientôt voir publiées chez Gallimard toutes les correspondances majeures accessibles d’André Breton (1896-1966). L’entreprise a commencé en 2009 avec les Lettres à Aube, un bel événement littéraire, tant l’image de Breton dans notre mémoire collective est celle d’un "pontife intolérant, gouvernant par ukases et confortant son pouvoir par la pratique d’exclusions", écrit Jean-Michel Goutier, l’éditeur. "Une caricature", estime-t-il. Forcément, même si le gourou fondateur du surréalisme était un être entier, radical dans ses choix, tranché dans ses opinions, ses amitiés et ses ruptures, c’était avant tout un homme, avec ses fragilités, et c’est cet homme intime que l’on découvre un peu plus à chacune des publications prévues par ordre chronologique, à raison de deux volumes par an. Un "vaste continent", dont l’exploration s’avère passionnante, et fondamentale pour notre histoire littéraire, étant donné la place éminente, unique, qu’y occupe André Breton.

Voici donc ses Lettres à Simone Kahn (1920-1960), qui fut sa première épouse, jusqu’à leur divorce - douloureux - en 1929. Ils se sont rencontrés en juin 1920, au jardin du Luxembourg (un lieu culte dans l’imaginaire de nombre d’écrivains), grâce à Théodore Fraenkel, le plus vieil ami de Breton, de l’époque du lycée Chaptal. Le jeune poète, plus vraiment inconnu mais loin d’être encore sûr, sinon de sa vocation, du moins de ses choix de vie, et bien en peine de moyens d’existence, est tout de suite séduit par cette brune vive, fine, cultivée, au caractère affirmé. Breton, qu’on a souvent présenté comme un affreux macho, n’a jamais eu des épouses effacées et, contrairement à une autre idée reçue, le surréalisme a fait s’épanouir, a fédéré des femmes artistes d’importance : Valentine Hugo, Dora Maar, Dorothea Tanning, Leonor Fini, Meret Oppenheim, Toyen…

Durant l’été 1920, André, de plus en plus amoureux mais séparé de Simone (ses parents le "retiennent" à Lorient et tentent de le convaincre de reprendre ses études de médecine), lui écrit chaque jour, l’ensorcelle par son verbe, par sa ferveur, par sa délicatesse. Elle succombe. "Je ne sais pas ce que c’est qu’aimer peut-être, mais depuis une heure que j’ai lu votre lettre je préfère ne pas vous dépeindre mon agitation", lui écrit-il le 23 août. Ce sera l’amour fou, durant des années. Puis, de part et d’autre, des liaisons. Une crise violente, des lettres amères : "Si m’adresser des injures te soulage…", écrit-il en 1930. Ensuite, les choses s’apaiseront. Restera l’amitié, jusqu’à la mort. Et ces 163 lettres, 15 cartes postales, 13 télégrammes et 2 pneumatiques. Les réponses de Simone n’ont pas été retrouvées dans l’atelier de Breton, rue Fontaine, hélas. J.-C. P.

André Breton, Lettres à Simone Kahn, 1920-1960,
Gallimard, édition de Jean-Michel Goutier. Tirage : 3 000 ex. Prix : 23,50 euros ; 384 p. ISBN : 978-2-07-019687-6
 

 

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