Phyllis Nagy, réalisatrice de la série Mrs. Harris trois fois nommée aux Golden Globes, n’a jamais abandonné le projet, malgré les obstacles. "Vous ne pouvez pas imaginer la difficulté pour développer un film où les personnages principaux sont des femmes" a-t-elle expliqué à Livres Hebdo lors de son passage au Festival de Cannes en mai dernier, "Surtout quand ces femmes ont le pouvoir et que les hommes ne sont que des seconds rôles qui n’ont aucune prise sur leur destin."
Car, finalement, Carol a été adapté. Réalisé par Todd Haynes (Loin du Paradis, la série « Mildred Pierce »), avec Cate Blanchett dans le rôle-titre et Rooney Mara dans celui de Thérèse (prix d’interprétation au festival de Cannes), le mélodrame a séduit les critiques et figure dans bon nombre de palmarès américains de fin d’année.
Cependant, il a fallu attendre que les droits du livre soient de nouveau disponibles pour que Phillys Nagy trouve la bonne société de production, celle d’Elizabeth Carlson, qui reprend les droits en 2010. Propriétaire de son scénario, elle a pu ainsi garder le contrôle du projet. Trois ans plus tard, Todd Haynes s’engage sur le film.
Carol (Cate Blanchett) est une femme bourgeoise, épouse et mère, qui croise dans un grand magasin new-yorkais une jeune vendeuse, Thérèse (Rooney Mara), au moment des fêtes. Le coup de foudre, aussi discret qu’électrique, est immédiat. Phyllis Nagy décrit l’histoire comme "une passion, sur le genre, sur la sexualité, sur l'amour imprévisible." C’est aussi un hymne à la liberté, une ode à l’affirmation de soi dans une Amérique corsetée et conformiste des années 50, dont la photo rappelle les tableaux d’Edward Hopper. Chacune devra faire un choix crucial pour pouvoir aimer sans contraintes. Ce qui n’empêche pas le film de sublimer l’ambiguïté et de filmer le récit comme un bouillonnement dont l’explosion émotionnelle ne survient que dans la dernière minute.
Quelques petites nuances nécessaires
Carol, le film, diffère cependant du livre. La scénariste ne voulait pas que l’homosexualité soit l’enjeu de l’histoire. Il fallait que l’histoire d’amour soit la plus "normale" possible. Le plus gros travail consistait à créer des scènes, et notamment "inventer" la vie quotidienne de Carol. "Le livre se concentre davantage sur le point de vue de Thérèse. En construisant leurs deux vies en parallèles, cela permettait de créer une tension dramatique. Il était nécessaire de montrer leurs différentes approches de la vie, la manière dont elles vivaient dans ce monde très conformiste, comment elles se comportaient physiquement" précise la scénariste.
Carol, le film, a reçu le prix de la meilleure adaptation littéraire à la Foire de Francfort en octobre 2015.