Porté disparu. « Disparition » est un euphémisme pour « mort ». Sans doute est-il plus doux, à l'oreille, de disparaître que de mourir. Là où le mot « mort » tombe tel un couperet, marque le point final, on ressent avec l'ambigu vocable « disparition » comme le flottement de points de suspension. Ceci dit, dans l'idée d'effacement qu'implique le fait de disparaître demeure une certaine inquiétude − l'angoisse de ne pouvoir faire son deuil. L'absent ne l'est jamais tout à fait. Il nous hante. Dans ce premier roman à la tonalité autobiographique de Céline Bagault, la narratrice apprend qu'on a retrouvé le corps de son père. C'est le choc. Mais ici la disparition redouble, car le père avait disparu − à savoir, avait été perdu de vue − six ans auparavant. Le vieil homme atteint d'Alzheimer avait échappé à la vigilance de l'EHPAD et s'était volatilisé dans la nature. Ce récit à la douleur ténue se fait ainsi travail de mémoire sur celui qui la perdait irrémédiablement. Se pose également un questionnement sur l'identité : qui est-on quand on ne se rappelle plus qui on est ? Les bribes du passé reconstituent l'image de Joseph : parcours d'un homme jadis athlétique, virilité old school, service militaire en Algérie, bon père de famille, retraite en banlieue, remariage... En creux, c'est le portrait de la narratrice qui se dévoile - l'ancienne étudiante de philo qui cherche sa vérité, en quête d'un père coi qui n'avait pas tu l'essentiel. Ainsi se terminait une lettre retrouvée deux décennies plus tard : « Ton papa qui t'aime. »
Ici commence mon père
Éditions de l'Olivier
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 19,50 € ; 144 p.
ISBN: 9782823621471