18 août > Roman France

Le roman de Michel Bernard s’ouvre de belle et émouvante façon, en décembre 1870, quand Gaston Bazille, grand bourgeois huguenot de Montpellier, s’en vient demander aux Prussiens qui tiennent Beaune-la-Rolande, Loiret, des nouvelles de son fils Frédéric, sergent au 3e zouaves, porté disparu. On l’informe que, à peine nommé lieutenant, le jeune homme de 29 ans a été tué, et enterré dans une fosse commune. Le père fait exhumer le corps et décide de le ramener chez eux.

Frédéric était un peintre prometteur, proche de Monet, Courbet, Renoir, Sisley, et aussi de Manet, Degas. Les événements, la guerre franco-prussienne, la défaite, la République, la Commune, les ont séparés. Courbet le rouge est en prison, Renoir à la guerre mais loin du front, Monet en exil en Angleterre, réfractaire à la guerre après des années de service en Algérie. L’artiste n’oubliera jamais son ami de jeunesse, qui fut aussi son mécène lorsqu’il était dans la misère et qu’il enrageait contre la dureté des temps. C’est à Londres, en exil, que Monet apprend la mort de Bazille. Sa consolation, ce sera Camille, sa femme, qui fut aussi son modèle, sa muse, et lui donnera deux fils. Ils ont passé leur vie ensemble, elle l’a soutenu passionnément. Et, lorsqu’elle meurt, en 1879, des suites d’un cancer déclenché par son second accouchement, inconsolable, il exécutera d’elle un portrait funèbre, en guise de gisant. Il "refera sa vie", mais la gloire, l’argent, rien ne lui redonnera le même bonheur qu’avant. Il mourra couvert d’honneurs, fin 1926, non sans avoir offert à la France la cinquantaine de ses Nymphéas, destinés à l’Orangerie des Tuileries, grâce à son grand ami Clemenceau, visiteur assidu à Giverny, même en pleine guerre de 14-18. L’un des rares à tutoyer le maître.

Conçu comme un triptyque - Frédéric, Camille, Claude -, le roman de Michel Bernard est magistral. Erudit sur toute l’histoire de la peinture française de l’époque, vue de l’intérieur, par ceux qui l’inventaient. Passionnant par son côté intime, centré sur des héros et les liens qui les unissent. Du coup, on a envie de connaître mieux Bazille, de le retrouver chez lui, au musée Fabre de Montpellier, tout près des Courbet. - Bonjour, Monsieur Bazille.

J.-C. P.

 

20.05 2016

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