Textuel avait déjà publié dans Road trips (2014) la série A road divided de Todd Hido, ce grand de la photographie contemporaine né dans l’Ohio en 1968 et installé à Oakland en Californie. Son œuvre est largement exposée dans les musées du monde entier, mais ses livres publiés aux Etats-Unis chez Nazraeli Press sont aujourd’hui épuisés. Intimate distance est une monographie qui parcourt vingt-cinq ans de carrière et réunit 250 clichés dont les deux très lynchiennes séries du début des années 2000, House Hunting et Outskirts, qui l’ont rendu célèbre : des maisons de banlieue extérieur nuit, enveloppées dans une brume filtrant la lumière surnaturelle d’éclairages publics. Une "iconographie parfaitement familière" et très "Amérique éternelle", note l’essayiste David Campany en introduction. La critique Katya Tylevich raconte quant à elle avoir accompagné le photographe quand il sillonne la campagne américaine, et passe des heures dans l’habitacle de sa voiture, vaporisant son pare-brise d’eau et de glycérine pour flouter le dehors si la pluie n’est pas au rendez-vous : ainsi cadrés, les paysages rendus vaporeux dégagent une étrangeté symboliste. Images méditatives qui ouvrent à toutes les interprétations.
Comme souvent dans ce type d’entreprise rétrospective, Intimate distance met en évidence la puissante cohérence des visions mais révèle aussi l’évolution de la pratique. En témoignent les portraits et les nus féminins qu’Hido a commencé à réaliser à partir de 2004. Des modèles posant dans des intérieurs vides et impersonnels à la décoration minimaliste. Hido dans ce livre très cinématographique n’intervient pas, sinon dans les remerciements. Mais le préfacier cite l’une de ses déclarations d’intention : "Je photographie comme un documentariste, mais je fais mes tirages comme un peintre."V. R.