La Pléiade en Pléiade. L'une des vertus les plus remarquables de la Renaissance française fut, à la suite de l'Italie, la redécouverte des Antiquités grecque et romaine, en particulier de leurs écrivains. Parfois jusqu'au pastiche. C'est ainsi qu'en 1547 apparaissent les premiers poèmes de Pierre de Ronsard (1524-1585) et de son ami Joachim du Bellay (1522-1560), qui se sont rencontrés la même année, dans une édition des Œuvres poétiques de Jacques Peletier du Mans. Nous sommes sous le règne du roi chevalier Henri II (sur le trône de 1547 à 1559), une période artistique exceptionnelle, non seulement par ses créations, mais aussi parce qu'elle a été fondatrice pour la langue française, laquelle ne s'était pas encore totalement imposée dans le royaume malgré la fameuse ordonnance de Villers-Cotterêts édictée par François Ier en 1539.
À la manière des poètes d'Alexandrie de l'époque de Ptolémée II Philadelphe (IIIe siècle av. J.-C.), et en référence aux sept filles du Titan Atlas, Ronsard eut l'idée de distinguer sept poètes de son temps et de les fédérer, même virtuellement, au sein d'une espèce d'élite : la Pléiade. Mais il ne faudrait pas y voir une véritable école littéraire, ni un vrai mouvement, au sens moderne du terme : le mot « Pléiade » ne revient que deux fois sous la plume du chef de file, et aucun des poètes concernés n'en fait mention. Certains ne se connaissaient pas entre eux, ne se sont jamais croisés, et la composition même de l'aréopage fut évolutive.
Au début, donc, il y eut Ronsard et Du Bellay, Pontus de Tyard et Jean-Antoine de Baïf, puis Étienne Jodelle, Rémy Belleau (qui remplace en 1554 Jean Bastier de La Péruse) et Jacques Peletier du Mans, qui remplace en 1555 Guillaume des Autels. Tous ces gens étaient poètes, se dédièrent des poèmes, s'échangèrent des textes, participèrent à des recueils collectifs, et écrivirent beaucoup : une cinquantaine d'ouvrages, parmi lesquels la « pléiadiseuse », Mireille Huchon, a effectué sa vaste sélection. Tout n'est pas d'égale qualité, bien sûr, et la postérité a fait son tri : Ronsard en majesté, Du Bellay à ses côtés (mort prématurément, son œuvre est relativement mince), Jodelle à redécouvrir, les autres plus anecdotiques.
Mais leur grand mérite commun est d'avoir écrit en « françoys », cette langue pour qui il fallait se battre, encore en butte aux assauts des « néolatins ». Il y eut des polémiques, qui apparaissent en fin de volume. Mais Du Bellay, en 1549, avait, à nos yeux, réglé le sujet, avec sa Deffence, et illustration de la langue françoyse. C'était le plus théoricien de la bande, c'est lui qui rédigea le programme de cette société de poètes qui s'appela d'abord la Brigade (peut-être un souvenir de sa brève carrière militaire), avant de devenir définitivement la Pléiade, pour la postérité. Et de donner son nom à une collection, créée en 1931 par l'éditeur indépendant Jacques Schiffrin, vite intégrée à la NRF-Gallimard, en 1933, grâce à André Gide. Elle en demeure le plus beau fleuron. Il était juste que « La Pléiade » accueillît un jour La Pléiade. C'est fait.
La Pléiade. Poésie, poétique
Gallimard
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 69 € jusqu’au 31/08/2024, puis 75 € ensuite ; 1616 p.
ISBN: 9782072997785