Pour ce petit bonhomme de neige, pas de doute, la vraie vie est ailleurs que dans le jardin des Sorensen où on l’a planté. Ni une ni deux, il quitte l’enclos, escalade la barrière et le voilà lancé sur les routes glacées du Nord en direction de la Laponie, pays natal, comme chacun sait, du Père Noël. En prévision du rendez-vous avec l’auguste personnage, il part les bras chargés de cadeaux. Mais la route qui conduit en Laponie est tout sauf un long fleuve tranquille. Chacun des hôtes de ces bois à qui il demande son chemin prélève un petit bakchich en échange d’une indication. Ainsi le corbeau se voit gratifié d’un cookie, le cerf d’un grelot, le lapin d’une carotte, etc. Bientôt les cadeaux ne suffiront plus, réduits à peau de chagrin, et notre bonhomme devra aussi se dépouiller des habits qui lui tiennent chaud, écharpe, chapeau. Arrive le moment où il se retrouve totalement dénudé. Et la question cruciale affleure : mais que va-t-il lui rester pour le Père Noël ?

Dans chacun des albums de Thierry Dedieu, on est sous le charme de ses planches gorgées d’un je-ne-sais-quoi poétique et un brin mélancolique. Celui-ci est particulièrement réussi, avec ses couleurs de conte de Noël à l’ancienne, rouge, blanc et vert sapin. Les pages de paysages du Grand Nord sont splendides, mais nos préférées sont les gros plans d’animaux. Dedieu sait comme personne restituer l’âme de chacun d’eux à travers son dessin saisissant, la solitude du cerf, la légère bêtise du lapin, l’acuité du loup, la férocité de l’ours. On va d’un hébétement à l’autre. Fabienne Jacob