Parmi les écrivaines qui marquent cette rentrée littéraire, Neige Sinno se distingue nettement. Paru à la fin août, son Triste tigre poursuit sa féroce ascension dans le classement des meilleures ventes de romans (3e) et prend la 7e place du top 20 toutes catégories confondues.
Coup de cœur des journalistes autant que des libraires, Triste tigre se révèle aussi grand favori des prix littéraires. Lauréat des prix du Monde et Blù Jean-Marc Roberts, il apparaît dans la liste des finalistes du Goncourt, mais aussi des prix Femina et Décembre. Les jurys des prix Médicis, de Flore et des Inrockuptibles l'ont également retenu dans leur première sélection.
P.O.L a donc vu juste en prenant le pari de publier ce roman. Car s'il compte désormais parmi les incontournables de l'automne, rien n'était gagné : le manuscrit avait été refusé par plusieurs éditeurs, et les précédentes fictions de l'écrivaine, un recueil de nouvelles (La vie des rats, La Tangente, 2007) puis un premier roman (Le camion, Christophe Lucquin, 2017), étaient restées confidentielles.
Récit autobiographique – l'histoire est celle de l'autrice, violée par son beau-père quand elle était enfant puis adolescente –, Triste tigre est aussi un essai analytique. À travers l'autopsie de l'inceste qu'elle a subi, Neige Sinno interroge l'ambivalence de la société ainsi que les limites de la justice, et dénonce les injonctions impossibles qui pèsent sur les victimes de violences. Surtout, elle pose la redoutable question : que peut la littérature ?
Si les livres ne referment pas les blessures, ils ont le mérite d'ouvrir des portes. Ce roman s'ancre dans une époque bien décidée à briser le silence sur l'inceste et la solitude dans laquelle il emmure. Et les chiffres parlent d'eux-mêmes : tiré initialement à 6 000 exemplaires, Triste tigre en est déjà à sa 6e réimpression (78 000 exemplaires imprimés depuis la parution, nous informe l'éditeur), et s'est écoulé à 22 000 exemplaires (selon GFK).
