Dans cet essai, Cornelia Möser replace la sexualité au cœur des débats idéologiques sur le féminisme. Sa réflexion transnationale - entre l'Allemagne, la France et les États-Unis - englobe une période qui débute aux années 1960 - soit à l'apparition ce que l'on nomme à tort et à travers la libération sexuelle.

La sexualité est-elle toujours inscrite dans une perspective de pouvoirs et de dominations qui sert l'hétéropatriarcat ? Que faire, dès lors, du désir et du plaisir ? Qu'est-ce qui oppose, précisément, les féministes pro-sexe des anti-porno ?

La philosophe pense la sexualité dans son ambivalence : d'un côté, comme un problème dans sa dimension répressive - qui reflète le système de domination sur les corps « féminisés » -, et de l'autre, comme une solution pour ses qualités émancipatrices - une sexualité perçue comme désir d'intensité et de transgression, condition d'une révolution sociétale.

D'emblée, le cadre de la réflexion souligne l'impact du colonialisme et de l'impérialisme occidental sur la sexologie moderne, développée au XIX^e siècle et socle des théories de genre du XX^e siècle. Le livre expose par exemple avec minutie le racisme de certains discours du FHAR (Front homosexuel d'action révolutionnaire) dans les années 1980, chez qui l'intersectionnalité est une grande absente, et qui, au prétexte de libérer les homosexuels face aux « interdits bourgeois », écrasent les racisés et les enfants, acceptant notamment la pédophilie et l'inceste. Dans le même temps, de nombreuses féministes radicales s'organisent en autonomie, interrogeant le systématisme et l'« obligation » hétérosexuels même chez des femmes qui comprennent l'oppression qu'elles subissent.

Le consentement, la honte, le viol, la pornographie, le sadomasochisme... Cornelia Möser passe en revue les points sensibles qui divisent les féminismes contemporains marqués par les sex wars des années 1980 et ouvre un horizon multiple là où demeure bien souvent une vision strictement dialectique sur la sexualité. Aussi dénonce-t-elle une catégorie de féministes qui, sous couvert de protéger les femmes face à leurs oppresseurs, s'en prennent en fait aux exilés, aux trans et aux musulmans, cibles des politiques discriminatoires contemporaines.