La Cour de cassation s’est penchée, le 1 er décembre dernier, sur le statut des plaques de zinc utilisées pour la réalisation de lithographies. Le litige était né du fait qu’un galeriste avait proposé à la vente des matrices et était poursuivi pour différentes atteintes au droit d’auteur. Or, la Haute juridiction a validé l’affirmation d’une cour d’appel qui avait jugé que «  même si elle conservait la trace de l’œuvre, la plaque de zinc, simple moyen technique utilisé pour permettre la production des lithographies qui sont seules des œuvres originales, ne pouvait être elle-même qualifiée d’œuvre de l’esprit  ». Les magistrats ont d’ailleurs précisé que ce «  travail purement technique mettait en jeu le savoir-faire et l’habileté de l’imprimeur  », mais ne lui conférait pas la qualité d’auteur. Rappelons en effet que le droit d’auteur ne protège que les œuvres « originales ». Or, l’originalité est une notion dont la définition en propriété littéraire et artistique diverge de l’acception courante. La condition d'originalité n'est pas expressément contenue dans la loi, mais seulement évoquée en deux occasions. Sa définition est donc difficile à tracer. Il s'agit pourtant, selon la jurisprudence, de l’élément le plus indispensable à une protection par le droit d'auteur. Les juridictions assimilent l’originalité à « l'empreinte de la personnalité de l'auteur ». Il faut entendre par là la marque de la sensibilité de l’auteur, de sa perception d’un sujet, des choix qu’il a effectués et qui ne lui étaient pas imposés par ledit sujet. C’est une sorte d’intervention de la subjectivité dans le traitement d'un thème. L’auteur a choisi de peindre le soleil en violet, d’écrire un chapitre sur deux en alexandrins, de transposer le petit chaperon rouge dans l’espace, etc. Tous ces partis-pris, qui ne sont pas obligés, témoignent de l’originalité, au sens juridique du terme. On le voit, l’originalité n’est ni l’inventivité, ni la nouveauté, dont il faut clairement la distinguer. Une œuvre peut être originale sans être nouvelle : elle bénéficiera donc de la protection du droit d'auteur, même si elle reprend, à sa manière, un thème cent fois exploré. De même, une œuvre peut être aussi originale tout en devant contribution à une autre œuvre. Il en est ainsi des traductions, adaptations, etc. À la différence de la nouveauté, notion objective qui s'apprécie chronologiquement – est nouvelle l'œuvre créée la première –, l'originalité est donc une notion purement subjective. Dès l'instant qu'une œuvre porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, qu'elle fait appel à des choix personnels, elle est protégée par le droit d'auteur. Pour chaque type d’œuvre, la jurisprudence a élaboré des repères permettant de déterminer les traces de l’originalité. En matière littéraire, l'originalité se retrouve dans deux éléments : la composition et l'expression. La composition est l'ordonnancement des chapitres, le déroulement de la trame, la mouture, le plan. L'expression, c'est le style, le choix des mots et des tournures de phrase. L'originalité d’un livre peut cependant ne résider que dans sa seule expression ou dans sa seule composition. C'est ainsi qu'une anthologie de fabliaux n'a d’originale que sa composition. L'auteur de l'anthologie ne pourra prétendre à une appropriation des textes choisis, mais pourra, en revanche, poursuivre en justice quiconque reprendra l'ordonnancement qu'il aura suivi. A l'inverse, une version romancée de La Belle au bois dormant sera originale par son expression, mais non par sa composition. Enfin, il ne faut pas oublier qu'en l'absence d'originalité, et donc de protection par le droit d'auteur, l'éditeur peut toujours arguer de la concurrence déloyale pour décourager les « copieurs ».
15.10 2013

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