Ça commence fort. Un mignon petit couple de bambins se tient par la main. Mais à y regarder de plus près, on voit que quelque chose cloche : la fille tient une fourchette à la main et le garçon est couturé de petits stigmates rouges. Il serre dans sa main une couette de cheveux noirs qui bizarrement lui manque à elle. On finit par comprendre que la petite émeutière a planté la fourchette dans la couenne de son compagnon qui, en représailles, lui a coupé une partie de sa chevelure. Laconique, la légende indique : "Moi aussi, je t’aime." Incipit ironique en diable qui donne le la de l’album. S’ensuivent un tas d’autres "gentillesses" façon sadique. Ainsi le fameux jeu Pierre, papier, ciseaux se décline ici dans une version particulière. En effet, les petits joueurs tiennent réellement cachés derrière leur dos une vraie paire de ciseaux et une vraie grosse pierre. De quoi s’écharper copieusement ! A chaque page l’humour vache fait mouche. Noir ou Jaune, c’est selon. Souvent politiquement incorrect. Ainsi la légende "tu vas voir de quel bois je me chauffe" renvoie à un dessin de bambin qui court après un autre avec la jambe de bois de l’aïeul gentiment assoupi près du feu de cheminée… Il n’y va pas avec le dos de la cuiller, ce Gérard Dubois, illustrateur français installé à Montréal qui nous balance des dessins très sages à l’ancienne, style images d’Epinal, qui contrastent fort avec le cynisme de ses petits diables rivalisant d’ingéniosité pour mettre en œuvre le mal. L’album ne recule devant aucun tabou, versant parfois dans un dadaïsme mauvais genre, comme cette illustration d’enfant pendu à une corde et emballé dans un sac plastique… Si les dames patronnesses existent encore, gare à leur réaction ! F. J.
Cruelle candeur
Ils ont l’air sages comme des images, mais ils fomentent de sacrés coups tordus. Une vacharde mise à mal de l’innocence supposée des enfants, signée Gérard Dubois.