Grann Turismo. David Grann doit-il plutôt sa notoriété à The White Darkness en 2021, le récit du destin tragique d'Henry Worsley, homme dévoré par la conquête des pôles ? Ou au florilège de nouvelles écrites comme des cold cases, Le diable et Sherlock Holmes, qui marquait son arrivée aux Éditions du sous-sol en 2019 ? Déjà, La cité perdue de Z, récit d'une expédition légendaire au cœur de l'Amazonie publié aux États-Unis en 2009, avait installé son auteur dans la catégorie des meilleurs héritiers de Truman Capote, pionnier de la non-fiction. C'était en tout cas avant la consécration apportée par l'adaptation de Killers of the Flower Moon par Martin Scorsese, et le succès français, en 2023, des naufragés du Wager (plus de 110 000 exemplaires tous formats confondus, selon GFK). On se réjouit donc de la reparution de La cité -perdue de Z, adapté au cinéma par James Gray en 2017. Le livre revient sur l'obsession, au début du XXe siècle, du colonel britannique Percy Fawcett pour une ville mythique brésilienne. Le « journaliste impartial » que Grann croit être part au pays des « serpents gros comme le bras » sur les traces de l'explorateur, dans une forêt primitive où règne « la crainte permanente et le danger d'une mort violente ». Moins d'un mètre soixante-quinze, des poignées d'amour, aucun goût pour une quelconque activité physique et encore moins le camping, Grann, tel qu'il se décrit, est fasciné par les histoires que lui racontait sa grand-mère lorsqu'il était enfant à propos des aventures de son grand-père en Chine ou au Tibet.
« Z » l'Amazonienne reparaît, et c'est l'arbre qui cache la forêt. Il faut alors retourner le livre, ce qui est assez amusant, pour (re)découvrir deux autres histoires. La première, « Chronique d'un meurtre annoncé », sonde une affaire politique ahurissante située au Guatemala. Dans cet état sinistré d'Amérique centrale, zone de non-droit paroxysmique qui détient des records en matière de meurtres, violences, trafics en tous genres, où l'impunité est quasi totale, le président de la République aurait-il été impliqué dans un meurtre ? Grann brosse une fresque historique, sociale, politique, qui n'est pas sans rappeler Cartel de Don Winslow. Sauf que ce n'est pas un roman. Son récit, publié dans le New Yorker en 2012, avait été traduit l'année suivante au format poche dans « La très petite collection » des éditions Allia.
La troisième et dernière histoire, « The Yankee Comandante », nous emmène à La Havane dans les années 1950, au cœur de la révolution cubaine, avec un protagoniste haut en couleur, William Alexander Morgan. Personnage double, héros national trouble, cet Américain anticommuniste combattra pour les castristes avant d'être fusillé pour trahison. Ce récit avait lui aussi été publié une première fois chez Allia, en 2015.
Invétéré conteur d'histoires, surdoué de la narration, David Grann, 58 ans, suit ici, comme souvent, les pas de personnages hors du commun, enrichit son récit d'archives, ponctue les faits de chiffres et de statistiques, pour donner à ses histoires leur contexte, leur suc, leur drame, en somme leur réalité tangible.
Il était une fois dans les Amériques ; La cité perdue de Z
Éditions du sous-sol
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Valeria Costa-Kostritsky ("The Yankee Comandante"), Damien Aubel ("Chronique d’un meurtre annoncé") et Marie-Hélène Sabard (La cité perdue de Z)
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 24,90 € ; 516 p.
ISBN: 9782364689718