Avant que je n'oublie. Maintenant, la parole est à la postérité. Entendons-nous, David Lodge, 88 ans, est toujours, Dieu merci (ce qui ne déplaira pas à cet intellectuel catholique), bon pied, bon œil acéré comme il convient. Mais la parution de Réussir, plus ou moins, troisième et ultime tome de sa trilogie autobiographique (après Né au bon moment qui nous menait de l'enfance à la première publication et La Chance de l'écrivain, consacré plutôt aux années de la consécration, Rivages, 2016 et 2019), a tout de même quelque chose d'un dernier tour de piste et aussi de prestidigitation.
Ce sont les années 1990-2000 qui font ici l'objet de toute son attention. Des années où l'âge vient, certes, mais où Lodge, comme libéré par son succès désormais international, explore résolument toutes les voies de la création littéraire. L'exofiction du côté d'Henry James ou H.G. Wells, la confession déguisée pour cette admirable variation autour de sa surdité qu'est La vie en sourdine ou autour de la dépression dans Thérapie. Quelques livres qui demeureront sans doute, avec le recul critique qu'offre le temps, parmi les plus essentiels de l'œuvre du romancier de Birmingham. Mais le champ de ses investigations littéraires ne s'arrête pas là. Lodge se veut aussi dramaturge. Il l'est, mais peine à se faire reconnaître comme tel. Enfin, il s'adonne, avec une passion variable en fonction de l'intérêt du projet, à l'écriture de scénarios adaptés de romans, comme Martin Chuzzlewit de Dickens. À l'écran, le succès sera pour lui plus évident qu'à la scène, ce qui restera un motif de frustration et même de tristesse. Toutefois, Réussir, plus ou moins n'est pas que la relation de la multiplicité des registres d'écriture de David Lodge. C'est aussi pleinement un livre de mémoires où l'auteur se montre tour à tour enthousiaste, tendre, parfois vachard (comme dans son portrait sans concession d'Helen Mirren), toujours curieux des lieux et de ceux qui les habitent. Le tout nappé d'une sauce humoristique qui doit à la fois à Chesterton et aux Monty Python... L'émotion aussi est là, pudique, lorsqu'il s'agit d'évoquer la mort d'un père ou la vie difficile d'un fils. C'est en tout cas un plaisir que de cheminer auprès de ce gentleman modeste des lettres anglaises. Un bout de chemin jusqu'au bout du chemin...
Réussir, plus ou moins
Rivages
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 22 € ; 288 p.
ISBN: 9782743661083