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Décès de Bruno Latour, penseur « que le monde nous envie »

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Décès de Bruno Latour, penseur « que le monde nous envie »

Philosophe, sociologue, anthropologue, grande figure universitaire... L'influent intellectuel français connu mondialement est décédé à l'âge de 75 ans le 9 octobre à Paris.

Par Adriano Tiniscopa
avec AFP Créé le 10.10.2022 à 17h48 ,
Mis à jour le 10.10.2022 à 21h38

Né en 1947 à Beaune (Côte-d'Or), agrégé de philosophie, et formé à l'anthropologie, pionnier de la pensée écologiste, esprit éclectique, sociologue et philosophe des sciences et des techniques, également professeur et ancien directeur scientifique à Sciences Po, Bruno Latour est mort à 75 ans à Paris dimanche 9 octobre 2022.

C'est l'un des penseurs français « que le monde nous envie », selon les mots de son éditeur à La Découverte, Philippe Pignarre, à l'annonce de la disparition. Reconnu pour son approche intellectuelle systémique et globale, « héritier heureux du philosophe Alfred North Whitehead » pour reprendre les mots de son éditeur, Bruno Latour avait un « amour pour le monde pris dans sa totalité ». Né d'une famille de négociants en vin de Bourgogne, « il s'intéressait d’abord aux techniques de vinification dans leurs plus petits détails quand il se rendait dans le vignoble familial à Beaune », poursuit La Découverte dans un communiqué.

Une cinquantaine de livres

Auteur d'une importante œuvre scientifique, avec près d'une cinquantaine de livres, le professeur émérite à Sciences po, était aussi soucieux de l'enquête de terrain. En témoigne Enquête sur les modes d'existence (La Découverte, 2012), une anthropologie philosophique qu'il a construite sur les valeurs multiples et contradictoires auxquelles tiennent ceux qui se disent actuellement modernes, identifiant ainsi quinze modes d'existence aptes à rendre compte de la réalité.

Récipiendaire du prix Holberg (2013) et du prix de Kyoto (2021) pour l’ensemble de ses travaux, Bruno Latour est un professeur de poids au sein du monde universitaire, récipiendaire par sept fois du titre de Doctor Honoris Causa. Penseur de la politique de l'environnement également, il porte le projet d’un fonds destiné à recruter à Sciences Po des post-doctorants chercheurs en écologie politique. En 2015, il organise une simulation grandeur nature de la COP 21 à destination de ses élèves pour une performance théâtrale et politique. Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique (La Découverte) est paru la même année, un livre dans lequel Bruno Latour mène une réflexion sur l'interaction de l'humain avec la nature, figurée sous les traits de Gaïa et ses différents éléments (l'air, les océans, les glaciers, le climat, le sol).

Amoureux des techniques et des sciences, il s'est penché, avec le sociologue britannique Steve Woolgar, sur la production des faits scientifiques dans un ouvrage La Vie de laboratoire (La Découverte, 1988), en partageant durant deux ans le quotidien des chercheurs du laboratoire de neuroendocrinologie du professeur Roger Guillemin, à l’Institut Salk de San-Diego (Californie). Son dernier livre Mémo sur la nouvelle classe écologique : comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d'elle-même, écrit avec Nikolaj Schultz, est paru en janvier 2022 aux éditions La Découverte. Les deux auteurs y prônent une évolution de l'écologie afin qu'elle se structure autour de valeurs mobilisatrices à partir desquelles se définiraient des axes politiques, des fronts de lutte, des alliés et des adversaires.

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