Denise Epstein est morte, lundi 1er avril, à son domicile à Toulouse, vaincue par la maladie mais entourée de ses trois enfants. Elle était née le 9 novembre 1929. La même année, sa mère, Irène Némirovsky, publiait David Golder, le roman qui allait la faire connaître. Huit ans plus tard, en 1937, Denise a une petite soeur, Elisabeth. En 1942, Irène Némirovsky est arrêtée et déportée à Auschwitz, où elle mourra quelques semaines après son arrivée. Son mari la suivra de peu.
Les deux fillettes, sauvées in extremis, ont pu emporter quelques effets personnels, notamment une valise contenant des manuscrits de leur mère dont Denise ne se séparera jamais. Par la suite, Denise et Elisabeth n'auront de cesse de réhabiliter la mémoire d'Irène Némirovsky, tombée dans l'oubli. En 1992, Elisabeth, devenue une éditrice reconnue, publie Le mirador, une biographie romancée de sa mère. Elle mourra d'un cancer en 1996, sans avoir pu connaître son époustouflant succès posthume.
Un (miraculeux) dégât des eaux va en effet inciter Denise à recopier un cahier contenu dans la valise et couvert d'une écriture minuscule, presque illisible. C'est un roman sur l'Exode mais, le jugeant inachevé, elle se refuse à le faire publier. Myriam Anissimov la convainc du contraire. On connaît la suite : le roman Suite française paraît à l'automne 2004 chez Denoël, remporte le Renaudot à titre posthume, s'arrache en librairie et connaît un succès mondial qui fait redécouvrir l'oeuvre d'Irène Némirovsky.
Denise est comblée, pourtant la gloire de sa mère va sans doute l'user plus vite que l'âge de ses artères. On la réclame partout, elle accepte tout. «Elle s'est mise au service de sa mère jusqu'à la limite de ses forces», raconte Olivier Philipponnat, auteur avec Patrick Lienhardt d'une biographie d'Irène Némirovsky. Son dernier voyage remontait à l'automne 2011, à Reykjavik, à l'occasion de la parution de Suite française en islandais.
Sachant que ses jours étaient comptés, elle s'est ensuite employée à régler les dossiers qui lui tenaient à coeur, notamment la publication, au Livre de Poche, des oeuvres complètes de sa mère (2 volumes de 2 000 pages).
«Elle est morte avec le sentiment du devoir accompli», résume Olivier Philipponnat. Denise Epstein sera incinérée ce vendredi, à Montauban. Ses cendres seront rapatriées à Paris pour reposer auprès de celles de sa soeur.
L'adaptation cinématographique de Suite française devrait sortir sur les écrans en 2014.